L’autre jour, je voulais écrire un article à propos de l’adaptation hédonique. Je me suis donc assis devant mon ordinateur, j’ai ouvert un nouveau document Word et j’ai commencé à taper sur mon clavier.
Après 1h d’effort laborieux, ma page était toujours blanche. J’avais beau réfléchir, je n’arrivais pas à articuler clairement mes pensées. J’écrivais un paragraphe, je le relisais puis je l’effaçais. Et plus je forçais l’écriture, plus je m’enlisais dans mes idées.
Il m’a fallu 3h pour poser 500 misérables mots sur ma page. 3h à l’issue desquelles j’étais frustré et énervé d’avoir mis tant de temps à accomplir si peu.
Avec du recul, je me dis qu’au lieu de m’obstiner, j’aurais dû m’arrêter de travailler pour aller marcher et m’aérer l’esprit. Quand je serais revenu, j’aurais certainement eu plus d’inspiration et les mots me seraient venus plus facilement. Mais au lieu de cela, je me suis acharné.
Ce que cette expérience m’a rappelé c’est que parfois dans la vie, on ne doit pas chercher à forcer les choses. On doit lâcher prise et suivre le flot plutôt que de nager à contre-courant. Et c’est exactement ce que nous enseigne le Wu Wei.
Qu’est-ce que le Wu Wei ?
Le Wu Wei 无为 est un concept taoïste qui se traduit par “ne pas faire” ou “ne pas essayer”. Ce n’est pas une invitation à ne rien faire ou à être fainéant, mais plutôt à agir sans effort et à ne pas forcer les choses.
Beaucoup de poètes de la dynastie Tang en Chine comparaient le Wu Wei à l’ivresse. Ils ne promouvaient pas l’alcool, mais le déclin de la rigidité et de l’anxiété qui est caractéristique au fait d’être ivre.
L’un des poètes comparait le Wu Wei à un homme ivre qui tombe d’une charrette en mouvement et qui reste indemne malgré tout. En étant ivre, il ne fait preuve d’aucune rigidité et ne cherche à exercer aucun contrôle pendant sa chute. Il n’est pas affecté par les accidents et les malheurs. Et c’est là tout le pouvoir du lâcher prise.
Le Wu Wei définit aussi ces moments pendant lesquels tout nous vient naturellement sans que l’on ait à forcer quoi que ce soit. C’est quand par exemple on donne une présentation et que tout se passe à merveille. On trouve les mots justes pour convaincre et on répond avec aisance aux questions que l’on nous pose. Tout est fluide et facile.
C’est aussi quand on travaille sur une tâche et que l’on perd complètement la notion du temps. On est “dans la zone” ou “dans le flow”. On est tellement absorbé par notre travail, que l’on n’a pas l’impression de fournir d’effort.
Le Wu Wei renvoie donc à tous ces moments pendant lesquels on agit sans forcer les choses.
Comment appliquer la philosophie du Wu Wei ?
Quand nous apprenons à travailler avec notre propre Nature Profonde, et avec les lois naturelles qui opèrent autour de nous, nous atteignons le niveau de Wu Wei. Nous travaillons alors avec l’ordre naturel des choses et nous opérons selon les principes du moindre effort. Puisque la nature suit ce principe, elle ne fait pas d’erreurs. Les erreurs sont faites – ou imaginées – par l’Homme, la créature dont le cerveau est surchargé et qui se dissocie des lois naturelles contre lesquelles ils essayent trop d’interférer.
Benjamin Hoff, The Tao of Pooh
Danser avec les circonstances
Il y a quelques mois, j’ai pris le train de Paris pour partir en Bretagne. Après 15 min de trajet, on s’arrête en plein milieu d’un tunnel. Le conducteur nous annonce qu’il y a eu un éboulement sur la voie et qu’il ne sait pas quand le problème sera résolu. Après plus de 3h d’attente, on a enfin pu repartir.
J’aurais pu m’angoisser, m’énerver et laisser la situation me ronger de l’intérieur. Au lieu de cela, j’ai pris ma Kindle et j’en ai profité pour dévorer un bouquin que je voulais lire depuis longtemps.
Quand des problèmes émergent et que les choses ne se passent pas comme on le veut, il est facile de laisser la peur, la frustration et le stress nous envahir. Mais on doit apprendre à regarder au-delà de nos émotions pour transformer les circonstances négatives en expériences positives.
Lâcher prise
En cherchant tout le temps à vouloir tout contrôler, on s’épuise. Parce qu’on dépense beaucoup d’énergie pour que tout se passe comme on veut. On le fait par peur de perdre le contrôle. Seulement devinez quoi ? On ne peut pas tout contrôler. Comme nous le rappelle le stoïcisme :
Certaines choses sont sous notre contrôle tandis que d’autres ne le sont pas. Nous contrôlons notre opinion, nos choix, nos désirs, nos aversions et en un mot, tout ce qui est relatif à nos propres actions. Nous ne contrôlons pas notre corps, notre propriété, notre réputation, notre position en un mot tout ce qui n’est pas relatif à nos propres actions.
Epictète
Soyez souple
On entend souvent dire que pour réussir, on doit avoir des objectifs clairs, un plan stratégique et persister quand les choses deviennent difficiles. Tous ces conseils sont valables, mais il ne faut pas non plus oublier de faire preuve de souplesse quand c’est nécessaire.
Quand notre stratégie ne fonctionne pas ou que nos objectifs ne sont plus les bons, on ne doit pas hésiter à les changer. Rien ne sert de persister dans une voie qui est mauvaise. On doit toujours rester souple et s’adapter en fonction des circonstances, comme l’eau qui change de forme selon le contenant dans lequel il se trouve :
Vide ton esprit, sois informe. Informe, comme l’eau. Si tu mets de l’eau dans une tasse, elle devient la tasse. Tu mets de l’eau dans une bouteille et elle devient la bouteille. Tu la mets dans une théière, elle devient la théière. Maintenant, l’eau peut couler ou s’écraser. Sois l’eau, mon ami.
Bruce Lee
Conclusion
Le Wu Wei est un concept central du Taoïsme. Il nous rappelle de savoir danser avec les circonstances, de lâcher prise et de faire preuve de souplesse. C’est une façon bien plus seine de vivre et d’investir notre temps et nos efforts.