Montrez-moi les incitations et je vous montrerai le résultat.
Charlie Munger
L’effet cobra c’est ce qu’il se passe lorsque vous poursuivez un objectif ou que vous tentez de résoudre un problème donné et que vos actions produisent l’effet inverse de ce que vous désirez.
On l’appelle “l’effet cobra” en référence à une anecdote datant de l’époque de la domination britannique de l’Inde coloniale.
L’histoire raconte qu’à ce moment-là la ville de Delhi était infestée de cobras. Pour résoudre le problème, le gouvernement eut l’idée de donner une prime à toutes les personnes qui les tueraient et qui leur ramèneraient leur tête en signe de preuve. Ils pensaient qu’en adoptant cette stratégie, ils réduiraient la population de serpents venimeux. Sauf que cette initiative eut complètement l’effet inverse.
Au lieu de capturer les cobras et de les tuer, les locaux développèrent un business modèle :
- Faire de l’élevage de cobras
- Couper leur tête
- Ramener leur tête en échange de la prime
Le gouvernement remarqua cette dérive et décida d’arrêter cette politique. N’ayant plus aucune raison de garder les cobras, les éleveurs décidèrent de les relâcher dans la nature ce qui empira la situation.
Depuis cette période, à chaque fois qu’une personne ou qu’un groupe de personnes décide de faire quelque chose dont les effets sont contre-productifs, on parle d’effet cobra.
Dans cet article, vous allez découvrir quelques exemples d’effet cobra et vous verrez 2 approches pour l’éviter.
Quelques exemples de l’effet cobra
Le problème de pollution à Bogota
En 2016 le gouvernement colombien voulait réduire la pollution causée par les voitures. Ils promulguèrent une loi autorisant les personnes à conduire certains jours de la semaine en fonction des 2 derniers chiffres inscrits sur leur plaque d’immatriculation.
Le problème c’est que les Colombiens avaient besoin de conduire tous les jours pour aller au travail. En leur interdisant de prendre leur voiture certains jours, le gouvernement les empêchait de travailler.
Ils décidèrent donc de court-circuiter cette loi de façon complètement légale en achetant plus de voitures pour que leur plaque d’immatriculation soit différente. Résultats ? Plus de pollution et plus de voitures sur les routes.
Problème de malaria à Bornéo
Dans les années 50 les habitants de l’île de Bornéo souffraient d’une épidémie de malaria. Ils appelèrent l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour leur demander de l’aide. Celle-ci eut l’idée de vaporiser une grande quantité de DDT (produit chimique) sur l’île ce qui permit de tuer les moustiques porteurs de la maladie. Seulement il y eut quelques effets secondaires.
Tout d’abord les toits des maisons de l’île commencèrent à s’effondrer mystérieusement. L’organisation comprit un peu plus tard que le DDT ne tuait pas seulement les moustiques, mais aussi une espèce de guêpe très utile qui empêchait les chenilles de dévorer les toits de chaume. Sans ces guêpes, le nombre de chenilles se développa rapidement et par conséquent les toits des maisons se fragilisèrent.
Mais ce n’est pas tout. Le DDT affecta aussi beaucoup d’autres insectes. Or ces insectes étaient mangés par les lézards de l’île. Avec le temps, les lézards accumulèrent un haut niveau de DDT dans leur organisme. Ces derniers supportèrent bien le produit chimique. Ce n’était pas le cas des chats qui mangeaient ces lézards et qui pour le coup absorbèrent eux aussi le DDT. Énormément de chats moururent à cause de cela.
Avec moins de chats sur l’île, les rats commencèrent à leur tour à proliférer. Les habitants de Bornéo n’eurent alors plus de problème de malaria, mais cette fois ils furent victimes d’une épidémie de peste.
Lire aussi : Approche systémique : L’art d’étudier des sujets complexes
Airbus et les nuisances sonores
Il y a quelques années Airbus voulait améliorer l’expérience de vol en avion en réduisant le bruit dans les cabines. Seulement, en y parvenant, le constructeur réalisa après coup que le bruit de l’avion permettait en fait de camoufler de nombreux bruits indésirables comme les cris de bébés ou les bruits de chasse d’eau. En insonorisant mieux les cabines, Airbus rendit tous les autres bruits plus évidents ce qui empira l’expérience de vol.
Comment éviter l’effet cobra ?
Gardez en tête la loi de Goodhart
Pour éviter l’effet cobra, vous devez garder en tête la loi de Goodhart qui rappelle que :
lorsqu’une mesure devient un objectif, elle cesse d’être une bonne mesure.
Parce qu’elle devient sujette à des manipulations directes (trucage des chiffres) ou indirectes (travailler uniquement à améliorer cette mesure).
Prenons un exemple pour mieux comprendre. Admettons que vous ayez pour objectif d’augmenter votre chiffre d’affaires le mois prochain. Pour cela vous décidez de contacter 500 personnes sur LinkedIn (mesure). Vous vous dites que plus vous contacterez de personnes, plus vous aurez de chances de trouver des clients.
Seulement 500 personnes, ça fait beaucoup de monde et envoyer un message personnalisé à chacun risque de prendre du temps. Pour vous faciliter la vie, vous décidez donc de mettre en place un système d’automatisation pour que votre ordinateur cherche des contacts ciblés à votre place et qu’il leur envoie un message automatisé (manipulation).
Après un mois, vous faites le bilan. Sur les 500 personnes contactées, 90% vous ont ignorés et vous n’avez réussi qu’à décrocher 2 appels (non qualifiés en plus). Résultat très satisfaisant donc.
Le problème c’est que votre mesure (le nombre de personnes contactées sur LinkedIn) est devenue votre objectif principal et qu’en cherchant à optimiser vos efforts dans ce sens, vous avez fini par spammer des centaines de personnes.
Pour augmenter votre chiffre d’affaires, vous auriez dû non pas vous concentrer sur le nombre de personnes contactées sur LinkedIn, mais plutôt sur le ratio entre le nombre de personnes contactées et le nombre de contrats signé. Parce qu’améliorer ce ratio implique de :
- contacter seulement des personnes qualifiées
- devenir un meilleur closer
- mieux écouter les besoins des prospects
Bref cela vous pousse à vous concentrer sur la qualité de la prospection et non pas sur le volume de personnes contactées, qui est une mesure moins pertinente.
Morale de l’histoire, quand vous définissez un objectif, choisissez toujours des mesures difficilement manipulables et vous éviterez l’effet cobra.
Considérez les conséquences de 2e et 3e degré
Quand on prend une décision, on considère toujours ses conséquences immédiates, mais on pense rarement aux conséquences de 2e et 3e degré. Pourtant elles ont tout autant d’impact si ce n’est pas plus.
Les conséquences de 2e et 3e degré sont les conséquences qui ne sont pas visibles immédiatement. Ce sont celles que l’on voit seulement quand on prend en compte le facteur temps et la notion de fréquence et d’interaction. Prenons un exemple concret pour voir ce phénomène en action.
Imaginez, vous êtes consultant et vous voulez développer votre entreprise. Jusqu’a aujourd’hui vous utilisiez principalement LinkedIn pour trouver des clients, mais vous aimeriez bien explorer de nouvelles approches pour vous faire connaître.
Cela fait un moment que vous pensez à créer un podcast et un blog. Vous vous décidez donc enfin à vous lancer. Vous achetez le matériel, préparez une liste d’invités pour votre nouvelle émission, vous achetez le nom de domaine de votre site, vous le paramétrez…
Votre emploi du temps est encore plus chargé qu’avant, mais vous êtes tout excité à l’idée de commencer cette nouvelle aventure.
Maintenant que le cadre est posé, regardons un peu les conséquences de lancer ces nouveaux formats :
- Les conséquences immédiates : vous développez un peu plus votre visibilité. Comme vous êtes à plusieurs endroits en même temps, plus de personnes vous trouvent et vous découvrent.
- Les conséquences de 2e degré : vos semaines sont plus chargées. Avant vous n’aviez que LinkedIn à gérer, maintenant vous devez aussi trouver des invités pour votre podcast, préparer les émissions, rédiger du contenu sur votre blog… Résultat, votre charge mentale s’alourdit et vous terminez vos journées plus tard.
- Les conséquences de 3e degré : à force de trop tirer sur la corde, vous vous épuisez. Alors certes, vous développez votre visibilité, mais vous le payez au prix de votre santé mentale et vous flirtez chaque jour un peu plus avec le burn-out.
Au moment de vous lancer, vous vous focalisiez sur les conséquences immédiates de votre décision. Vous pensiez à la visibilité que ces nouveaux formats vous procureraient. Vous êtiez excité à l’idée de discuter avec vos invités pendant vos émissions. Vous aviez hâte de produire les premiers articles sur votre blog. Seulement vous avez négligé la charge de travail que cela impliquerait et toutes les conséquences qui en résulteraient.
Pour limiter l’effet cobra, vous devez donc aller au-delà des conséquences immédiates de vos décisions. Vous devez aussi prendre en considération les conséquences de 2e et 3e degré pour éviter que vos choix aient des effets non désirés.
Lire aussi : 9 façons d’améliorer instantanément votre prise de décision
En synthèse
L’effet cobra c’est ce qu’il se passe lorsque vous poursuivez un objectif ou que vous tentez de résoudre un problème donné et que vos actions produisent l’effet inverse de ce que vous désirez.
Vous pouvez l’éviter en choisissant des mesures difficilement manipulables et en considérant les conséquences de 2e et 3e degré de vos décisions.
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