« Notre capacité à travailler intensément, c’est-à-dire en évitant toutes distractions, est en train de devenir aussi rare qu’utile à notre économie. En conséquence, les personnes qui cultivent cette capacité vont prospérer tandis que les autres auront du mal à trouver leur place » — Cal Newport
Avec le développement rapide de la technologie et d’internet ces dernières années, il est devenu de plus en plus difficile de se concentrer.
Des géants tel que Facebook, Google, Amazon, Apple et Netflix investissent aujourd’hui des centaines de milliards de dollars pour apprendre à capter efficacement notre attention et créer des expériences addictives.
Et cela fonctionne très bien.
Nous passons tous plusieurs heures par semaine à consulter les réseaux sociaux, à se perdre dans la spirale des vidéos Youtube, à jouer sur notre smartphone ou à commander des articles sur Amazon en un clic.
Le divertissement n’a jamais été aussi accessible. Nous avons accès à des millions de contenus, applications et vidéos à portée de main. Il n’y a aujourd’hui plus de place pour l’ennui.
Seulement en ayant éliminé l’ennui, nous avons par la même occasion créé un environnement dans lequel nous sommes stimulés en permanence.
A la manière du chien de Pavlov, notre cerveau est entraîné à réagir à la moindre notification, sonnerie ou vibration. A tel point qu’aujourd’hui de nouveaux syndromes qui n’existaient pas avant sont apparus tel que le syndrome de la vibration fantôme (l’impression que notre téléphone vibre alors qu’en réalité il ne se passe rien).
Nous ne supportons plus l’ennui. Et lorsqu’on le ressent, nous cherchons systématiquement un moyen de nous distraire.
C’est un problème parce que c’est justement dans l’ennui que la concentration est possible.
La concentration ne peut pas avoir lieu lorsque l’on est stimulé en permanence par des messages, appels, vibrations… Nous avons besoin de calme et d’espace pour penser.
Dans cet article nous allons donc voir comment augmenter notre concentration dans un monde de plus en plus distrait grâce à ce que l’on appelle le Deepwork. Nous découvrirons dans un premier temps qu’est ce que le Deep Work et en quoi cela nous est utile puis nous apprendrons comment l’appliquer concrètement au quotidien.
Avant de commencer : Si vous voulez booster votre concentration et votre efficacité, téléchargez les 10 techniques prouvées pour se concentrer (et accomplir plus). Vous découvrirez notamment : « Comment éliminer les distractions », « Comment créer un environnement de travail optimal » et « Comment booster votre concentration grâce à des stimulants naturels »
Qu’est-ce que le Deep Work ?
Le Deep Work (travail profond) est une méthode de productivité popularisée par Cal Newport et qu’il définit de la façon suivante:
“Le Deep Work est la capacité à se concentrer sans distraction sur une tâche difficile. C’est une compétence qui vous permet de maîtriser des informations compliquées et de produire de meilleurs résultats en moins de temps.” 1
Le Deep Work est en fait tout l’opposé du Shallow Work (Travail de Surface).
Le Shallow Work sont toutes ces tâches qui requièrent peu d’attention et qui apportent relativement peu de valeur. Ecrire des emails, poster sur les réseaux sociaux, mettre en forme des documents, compléter des micro-tâches sont par exemple des travaux de surface.
Le Deep Work permet au contraire de réaliser des projets à forte valeur ajoutée et d’impacter positivement notre vie et celles des autres.
C’est aussi une méthode de travail que peu de personnes privilégient.
Si le Deep Work est si rare c’est parce que le Shallow Work est beaucoup plus facile mais aussi parce que le Shallow Work est encouragé par la plupart des entreprises.
En entreprise nous devons en effet être constamment connecté, on attend de nous des réponses rapides. On doit livrer notre travail régulièrement pour “montrer” que l’on fait quelque chose. Alors on réalise des micro-tâches et on répond souvent à nos emails pour prouver que l’on est actif et que l’on réalise des choses. Seulement paraître productif, ne signifie pas nécessairement qu’on l’est.
L’intérêt du Deep Work
“En ayant passé les 3 dernières années à chercher et écrire mon livre Deep Work, je suis convaincu que la concentration est le nouveau QI; c’est devenu une des qualités les plus utiles et appréciées de notre économie. Mais contrairement au QI, vous pouvez significativement l’améliorer avec la pratique.” – Cal Newport
Etre capable de se concentrer intensément sur son travail est bénéfique pour plusieurs raisons.
Tout d’abord cela permet de produire un travail de meilleure qualité.
Qualité du travail produit = (temps passé) x (Intensité de la concentration)
La qualité du travail que l’on produit dépend du temps que l’on y consacre mais également de l’intensité avec laquelle on se concentre dessus. En investissant notre attention exclusivement sur un travail et en y passant du temps, on fait moins d’erreurs et on se donne aussi la chance d’explorer les sujets en profondeur, de mieux réfléchir, d’offrir de meilleures solutions et d’être plus créatif et novateur.
Le Deep Work permet également de limiter ce que l’on appelle le résidu d’attention. 2
Le résidu d’attention c’est lorsque l’on passe d’une tâche A à une tâche B et que l’on continue de penser à la tâche A sur laquelle on vient de travailler.
Typiquement on commence à traiter nos emails et on pense à une idée que l’on aurait pu ajouter à l’article que l’on vient juste de finir d’écrire.
Même si on finit d’accomplir complètement une tâche, nous avons toujours un résidu d’attention qui nous empêche de nous concentrer pleinement sur la nouvelle tâche que l’on attaque.
Ce phénomène de résidu est inévitable car notre cerveau a besoin de temps pour se re-concentrer pleinement sur une nouvelle tâche. Néanmoins on peut le limiter avec le Deep Work.
Lorsque l’on organise notre temps en de longues sessions de travail intense, on diminue automatiquement le résidu d’attention car on on passe moins de temps à transitionner entre les tâches et plus de temps à se concentrer sur nos tâches. Résultat ? On met beaucoup moins de temps à réaliser notre travail et nos projets.
“Un travail réalisé en continu prend moins de temps et d’énergie que lorsqu’il est réalisé en plusieurs fois”. – Loi de Carlson
Enfin le Deep Work nous rend plus heureux. Se concentrer intensément sur un travail donné permet en effet d’atteindre l’état de flow. Comme l’explique Mihaly Csikszentmihalyi:
« Les meilleurs moments dans notre vie ne sont pas ceux où l’on est passif, réceptif et relaxé… Les meilleurs moments sont généralement ceux durant lesquels notre corps ou notre esprit est poussé volontairement jusqu’à ses limites pour accomplir quelque chose de difficile mais de valeur. »
Maintenant que l’on connaît l’intérêt du Deep Work, intéressons-nous de plus près aux différentes formes de Deep Work.
Les 4 philosophies du Deep Work
Il existe 4 philosophies du Deep Work qui s’adaptent chacune à notre mode de vie et à notre façon de travailler:
La philosophie monastique: C’est l’approche la plus extrême du Deep Work qui consiste à se couper totalement de toutes distractions pendant de longues périodes comme pourrait le faire un moine. C’est l’approche qu’a choisi Matt Mullenweng le fondateur de WordPress lorsqu’il a commencé à développer la plateforme à ses débuts. 3
La philosophie bimodale: Le Deep Work bimodale consiste à alterner vie engagée et vie monastique. C’est-à-dire à aménager notre temps de façon à pouvoir se concentrer intensément sur certaines tâches et à s’adonner à d’autres tâches moins challengeantes cognitivement le reste du temps. Cal Jung suivait cette philosophie. Il alternait sa vie de thérapeute et sa vie sociale à Zurich avec des retraites ponctuelles dans sa maison secondaire pour pouvoir écrire.
La philosophie rythmique: C’est lorsque l’on prend l’habitude de faire du Deep Work à des instants précis dans la journée. Par exemple tous les matins entre 7h et 9h, on se concentre intensément sur notre travail ce qui rend le Deep Work systématique et habituel.
La philosophie journalistique: Pour accomplir leur travail, les journalistes doivent être capable de travailler en mode Deep Work à n’importe quel moment. Qu’ils soient entre 2 interviews, conférences ou rendez-vous, ils doivent pouvoir écrire leurs articles rapidement. Ainsi la philosophie journalistique consiste à développer l’habilité d’entrer très rapidement dans un état de concentration intense et d’en ressortir aussi rapidement pour s’adonner à d’autres activités.
Comment se concentrer avec le Deep Work ?
La première chose que l’on doit garder en tête lorsque l’on applique la méthode Deep Work est que le Deep Work n’est pas une habitude mais une compétence.
Ce n’est pas quelque chose que l’on sait faire et que l’on doit simplement faire plus souvent. Si on approche le Deep Work de cette façon là, que l’on essaye et que ça ne marche pas, on conclura à tort que le Deep Work n’est pas fait pour nous.
Se concentrer intensément sur son travail requiert de l’entraînement tout comme on apprend un instrument ou un sport. Comme le dit Cal Newport :
“Beaucoup de personnes pensent que se concentrer sans distraction est une habitude, comme utiliser du fil dentaire – quelque chose qu’ils savent faire mais qu’ils ont besoin de faire plus souvent. La réalité, cependant, c’est que le Deep Work est une compétence comme jouer de la guitare – quelque chose pour lequel vous n’êtes pas bon si vous n’avez pas pratiqué.” 4
Une fois que l’on a changé notre perception du Deep Work, on comprend mieux comment l’approcher et en tirer bénéfice. On peut alors commencer à l’appliquer en choisissant d’abord les tâches sur lesquelles on va travailler.
Pour que le Deep Work fonctionne, on doit choisir un nombre restreint de tâches, de projets et d’objectifs à accomplir pour pouvoir se concentrer intensément dessus. Car plus on se charge de tâches et de projets, plus on divise notre attention et moins on peut se concentrer intensément sur notre travail.
Pour rester focus on doit donc apprendre à dire non plus souvent – non à ce projet accessoire, non à cette tâche inutile, non à cette réunion…
Le Deep Work passe en fait en grand partie par l’élimination des tâches qui ne sont absolument pas essentielles pour se concentrer que sur ce qui est important. 5
Après avoir choisi ce sur quoi on veut travailler, il suffit d’organiser ensuite nos journées heure par heure:
« Au début de chaque journée de travail, prenez une nouvelle page du carnet (avec des lignes) que vous destinez spécialement à cet usage. Au début de chaque ligne, indiquez une heure de la journée, et ce, jusqu’à ce que vous ayez couvert toutes vos heures de travail d’une journée type. Voici maintenant la partie importante : divisez les heures de la journée en plusieurs créneaux, auxquels vous affectez des activités. » – Cal Newport
Pour être efficace, il ne suffit donc pas seulement de déterminer ce sur quoi on va travailler mais également de savoir quand on va travailler dessus.
Une fois que l’on a déterminé le QUOI et le QUAND, il n’y a plus qu’à se mettre à travailler.
Et c’est là le plus difficile.
Souvent c’est à ce moment que l’on procrastine. On ouvre Facebook, on parle avec nos amis sur WhatsApp, on regarde une vidéo YouTube… pour éviter d’avoir à se mettre au travail.
Pour ne pas perdre notre temps inutilement et se mettre immédiatement au travail, on peut appliquer la technique des 10 min.
La technique des 10 min consiste à se mettre immédiatement au travail pendant au moins 10 min puis de se donner l’autorisation d’arrêter si on le souhaite. L’objectif est bien sûr de continuer mais en se donnant cette liberté notre cerveau à moins de mal à se mettre au travail.
Une fois ces 10 min passées, on est généralement plongé dans notre travail et on est moins tenté de se laisser distraire. C’est en fait une façon efficace de court-circuiter la procrastination.
Pour rester concentré, on doit ensuite créer un environnement de travail propice à la concentration.
Cela passe en grande partie par l’élimination des distractions. Pour éliminer les distractions on peut :
- Utiliser Freedom pour éviter d’aller sur des sites de nature à nous distraire.
- Mettre un casque à réduction de bruit (aff) pour se concentrer si on est dans un environnement bruyant. Cela dissuade également les personnes qui peuvent nous entourer de nous parler ou de nous interrompre.
- Écouter des musiques qui boostent notre concentration.
- Fermer systématiquement tous les onglets de notre navigateur qui ne nous servent pas directement à traiter la tâche sur laquelle on est entrain de travailler.
- Éloigner notre téléphone de façon à ce qu’il ne soit pas facilement atteignable
Ces quelques réflexes et outils peuvent faciliter grandement notre concentration.
Enfin le Deep Work c’est aussi prendre des pauses régulièrement pour recharger nos batteries. Lorsque l’on se concentre intensément sur un travail, on se fatigue. Si on ne prend pas de pauses régulièrement, on peine de plus en plus à se concentrer à mesure que la journée avance.
Prendre une pause de 5 min toutes les 45 min permet de se ressourcer et de rester concentrer tout au long de la journée.
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Pour conclure si vous avez de grands projets en tête, et que vous souhaitez les accomplir le plus efficacement possible, adoptez la méthode Deep Work. C’est une méthode qui demande certes de l’entraînement et de la patience mais elle vous permettra d’avoir une longueur d’avance dans un monde où le Shallow Work prévaut.
Pour aller plus loin et apprendre à mieux vous concentrer, téléchargez les 10 techniques prouvées pour se concentrer (et accomplir plus).
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Notes :
- Rules for Focused Success in a Distracted World
- Why is it so hard to do my work? The challenge of attention residue when switching between work tasks
- Matt Mullenweg on Polyphasic Sleep, Tequila, and Building Billion-Dollar Companies
- Is A Deep Work Deficiency Stifling Your Productivity? An Interview With Cal Newport
- “Deep Work: Rules for Focused Success in a Distracted World” by Cal Newport (Book Summary)