Après avoir gagné son premier Oscar à 27 ans, Matt Damon a eu une prise de conscience terrifiante en regardant sa récompense une fois rentré chez lui. Il s’est dit :
Imagine courir après cette récompense et finir par l’obtenir à 80 ou 90 ans avec toute ta vie qui est maintenant derrière toi et réaliser que c’était un gâchis incroyable […] Aucune récompense ne peut venir combler ce vide. […]
On court tous après un objectif. Dans votre cas, il s’agit peut-être d’augmenter votre chiffre d’affaires, d’obtenir une promotion, de changer de carrière, d’acheter une maison…
Et on pense tous qu’une fois qu’on l’aura atteint on se sentira heureux et comblé pour le restant de nos jours. En réalité, ce sentiment de satisfaction ne dure jamais éternellement. Il s’estompe même rapidement pour laisser place à un vide. C’est ce que Tal Ben-Shahar, professeur à Harvard, appelle l’« arrival fallacy » ou l’erreur de l’arrivée en français.
L’erreur de l’arrivée décrit cette croyance erronée selon laquelle la réalisation d’un objectif conduira automatiquement à un bonheur durable et à une satisfaction complète. Quand on est victime de ce biais, on passe des mois, voire des années à poursuivre nos rêves dans l’espoir d’atteindre un jour la terre promise. Et quand on finit enfin par y arriver, on réalise que le sentiment de gratification et d’euphorie qu’ils nous procurent ne dure que très peu de temps.
Sam Hinkie, l’ancien manager de l’équipe de basketball de Philadelphie, donne une excellente analogie pour illustrer ce phénomène. Il explique que c’est comme les saumons du Pacifique :
Ils passent toute leur vie à nager à contre-courant pour trouver l’endroit où pondre leurs œufs. Et aussitôt qu’ils l’ont trouvé, ils meurent.
On fait la même chose pour nos objectifs. On passe notre vie à les poursuivre et aussitôt qu’on les a atteints, on prend conscience qu’il ne nous apporte qu’une satisfaction passagère.
Alors comment arrêter cette course sans fin ? Comment ne plus idéaliser sans cesse notre vie future et se satisfaire du moment présent ? Et comment apprécier le voyage tout autant que la destination ?
La réponse réside dans la façon dont on perçoit nos objectifs. Plutôt que de les voir linéairement, on doit les voir circulairement.
Qu’est-ce que la perception linéaire des objectifs et pourquoi nous rend-elle misérable ?
Quand on visualise nos objectifs, on s’imagine généralement un point A, qui symbolise le moment présent et un point B qui symbolise notre but. Et entre les 2 une flèche qui montre le chemin à parcourir.
Cette représentation mentale, pourtant anodine, pose problème à 2 niveaux :
- Premièrement, elle sous-entend que la ligne d’arrivée est la seule chose qui compte (comme le montre la flèche qui pointe dans cette direction). D’après ce schéma on doit quitter A, le moment présent, pour se focaliser sur B, notre futur idéal. Et toute notre attention doit aller dans ce sens.
- Et deuxièmement elle est irréaliste parce que nos progressions ne sont jamais linéaires comme la flèche le suggère. Quand on poursuit un objectif, il nous arrive parfois d’avancer, de reculer, de faire des erreurs ou de prendre des détours. Si on devait symboliser nos progrès, on devrait donc plutôt le représenter de cette façon.
Maintenant vous vous dites peut-être que ce n’est qu’une image mentale et qu’il n’y a pas de quoi en faire toute une histoire. Mais cette représentation est plus importante qu’on ne le pense, car elle influence ce que l’on ressent au quotidien. Elle définit nos attentes, notre état d’esprit, nos actions et notre comportement.
Pour mieux comprendre, repensez à la dernière fois où vous êtes allé à une soirée décevante. Avant de vous y rendre, vous vous étiez fait une certaine image de cette soirée. Vous vous étiez imaginé faire des rencontres, avoir des discussions intéressantes et manger de délicieux petits fours. Mais une fois sur place, rien ne s’est passé comme prévu. Les gens étaient froids et distants, les discussions étaient superficielles et aucun petit four n’était au menu. Vous êtes alors reparti déçu de la soirée.
Quand on idéalise une chose et qu’elle ne se passe pas comme on l’imaginait, on ressent toutes sortes d’émotions négatives : déception, frustration, tristesse, colère, désenchantement. Et plus cette idéalisation est grande, plus la chute est brutale.
Nos objectifs ne font pas exception à la règle. Quand on les idéalise, on se condamne à être malheureux parce qu’on crée inéluctablement un fossé entre nos attentes et notre réalité :
- On s’imagine faire des progrès linéaires et constants, alors qu’en réalité nos avancées sont irrégulières.
- On s’imagine qu’une fois nos objectifs atteints, on vivra heureux et satisfait pour les restants de nos jours, alors qu’en réalité le bonheur ressenti ne dure jamais très longtemps.
Et comme on poursuit nos objectifs avec une représentation mentale erronée, on rend leur accomplissement douloureux. Parce que chaque erreur, chaque échec et chaque régression crée une dissonance par rapport à cet idéal que l’on s’est créé.
Pour réaliser nos objectifs sans se rendre malheureux, on doit abandonner cette représentation linéaire et adopter une approche circulaire.
Comment poursuivre nos objectifs harmonieusement avec l’approche circulaire ?
L’approche circulaire est une façon plus saine de poursuivre nos objectifs. Elle nous encourage non pas à idéaliser nos objectifs, mais à apprécier le processus d’amélioration continue.
Quand on adopte cette approche, on ne s’attend pas à ce que les choses se passent parfaitement. On sait que l’on fera des erreurs, que l’on rencontrera des difficultés et qu’il nous arrivera parfois d’échouer. Mais on sait aussi que tant que l’on apprendra de ces expériences on restera gagnant parce qu’on acquerra de nouvelles connaissances, compétences et perspectives.
En adoptant cette mentalité, nos attentes changent. On est capable de mieux accueillir les périodes de turbulences, voire même de les apprécier. Parce qu’on perçoit les difficultés comme des opportunités de grandir et de mieux nous connaître. Finalement on réalise que ce qui compte vraiment ce n’est pas où on va, mais qui on devient en s’y rendant.
Alors, comment adopter cette approche circulaire ?
En suivant 3 étapes simples :
- Étape 1 (Pact) : Commencez par choisir une activité sur laquelle vous voulez vous engager. Il peut s’agir d’un projet, d’une expérience, d’une nouvelle habitude. Votre engagement doit être intentionnel (il est important pour vous), réalisable (vous pouvez le faire dès aujourd’hui), contextualisé (il tient compte de vos contraintes actuelles) et mesurable (vous avez défini un ensemble d’actions que vous pouvez cocher dans votre to-do).
- Étape 2 (Action) : Passez à l’action. Pour cela, exécutez votre plan, faites vos tâches, entretenez vos habitudes, faites ce sur quoi vous vous êtes engagé dans l’étape 1. Veillez bien à suivre vos progressions en les notant dans un tableau ou en pratiquant le journaling. Vous aurez besoin de ces informations dans l’étape suivante.
- Étape 3 (Réflexion) : Une fois que vous avez collecté suffisamment de données, faites le bilan. Votre engagement a-t-il eu un impact positif sur les domaines de votre vie qui vous importent (santé, bien-être, relations, finance, carrière) ? Comment vous sentez-vous en accomplissant cette action ? Stimulé ? Épuisé ? Voulez-vous continuer de tenir cet engagement sur un cycle supplémentaire, ajuster votre plan ou abandonner ? Cette réflexion déterminera ce que vous ferez sur le cycle suivant.
En poursuivant continuellement ces trois étapes (Pact, Action, Réflexion), vous commencerez à remarquer l’impact sur les domaines qui contribuent à votre objectif ultime : mener une vie heureuse, saine et épanouissante.
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Conclusion
Quand on poursuit des objectifs, on a tendance à adopter l’approche linéaire. On s’imagine que tout se déroulera sans accroc et qu’une fois notre but atteint, on sera heureux et comblé pour le restant de notre vie. Seulement en pensant de cette façon, on se condamne à vivre malheureux, car nos attentes seront toujours déçues.
Pour poursuivre nos objectifs plus sainement, on doit adopter l’approche circulaire. Celle-ci nous invite à reconnaître que la réalisation de nos objectifs implique des hauts et des bas et qu’il n’y a jamais vraiment de ligne d’arrivée, seulement un processus d’apprentissage continu.
Pour adopter l’approche circulaire, il suffit de suivre 3 étapes :
- Étape 1 (Pact) : Choisissez une activité importante, réaliste et mesurable, en tenant compte de vos contraintes actuelles.
- Étape 2 (Action) : Mettez votre plan en action, accomplissez les tâches et suivez vos progrès pour avoir des données concrètes.
- Étape 3 (Réflexion) : Faites le bilan de l’impact de votre engagement sur les domaines importants de votre vie, évaluez vos sentiments et décidez si vous souhaitez continuer, ajuster ou abandonner dans le prochain cycle.