Nous raisonnons tous par analogie c’est-à-dire que l’on part tous de faits particuliers pour former des représentations plus générales. 1
Quand on est enfant par exemple et que l’on touche une flamme pour la première fois, on apprend douloureusement que cela brûle (fait particulier).
C’est de cette expérience désagréable qu’on en déduit que tout ce qui ressemble à une flamme brûle également (représentation générale). Par conséquent on évite d’y toucher.
On construit donc notre raisonnement en associant des idées provenant de situations passées/présentes ou connues/inconnues.2
Sans le remarquer on utilise ce type de raisonnement quotidiennement y compris lorsque l’on entreprend dans un milieu concurrentiel.
Quand notre concurrent met en vente un produit par exemple et que ce dernier se vend extrêmement bien, on crée un produit sensiblement similaire pour le concurrencer.
On raisonne par analogie.
On prend quelque chose que l’on connaît et qui marche déjà bien (le produit de notre concurrent) et on le copie en faisant quelques itérations (ajout de fonctionnalités, changement de design).
Raisonner par analogie est un réflexe tout à fait sensé et logique. Cela nous permet de gagner du temps, c’est moins coûteux, moins risqué et aussi moins fatiguant mentalement.
Mais il y a un prix à payer lorsque l’on raisonne de cette manière…
En effet l’analogie nous empêche d’innover radicalement. C’est une approche qui nous limite terriblement.
Elle nous limite à ce que nos concurrents font, à ce que les autres pensent, au statu quo, aux dogmes ou encore aux croyances populaires.
L’analogie crée un cadre dans lequel notre créativité est totalement bridée et où l’innovation ne peut être qu’incrémentale.
C’est un raisonnement contre-productif quand on cherche à créer quelque chose d’unique et de totalement novateur.
Alors comment raisonner autrement ? Comment sortir du cadre ? Comment innover radicalement tout en limitant les risques que cela implique ? Et quand est-il pertinent de raisonner par analogie ?
Raisonner par premiers principes peut se révéler particulièrement puissant lorsqu’on a pour ambition de créer quelque chose de radicalement nouveau.
Découvrons donc ensemble ce modèle mental.
Raisonner par premiers principes
Voici comment Elon Musk définit ce raisonnement:
“Raisonner par premiers principes est un peu comme une manière d’analyser le monde sous l’oeil de la physique.
Vous partez de ce qu’il y a de plus fondamental et dites:
“De quoi est-on sûr? … et ensuite vous raisonnez à partir de la.
Quelqu’un pourrait très bien dire : “Les batteries sont cher, c’est comme ça et ce sera toujours le cas…”
Quand vous raisonnez par premiers principes vous dites:
“De quoi est composée une batterie? Quelle est la valeur boursière de ses composants?”
Une batterie c’est du nickel, de l’aluminium, du carbon, du polymère et une manière de sceller le tout.
Maintenant vous vous demandez:
“Si on achetait cela sur le marché boursier du métal Londonien, combien coûterait chaque composant?
Vous vous rendriez alors compte que produire une batterie n’est pas si cher que cela. Vous devez juste trouver une manière plus intelligente de combiner tous ces composants ensemble pour en faire une batterie bien moins cher que ce que tout le monde pense »
En résumé, raisonner par premier principe c’est partir des éléments pour lesquels on est fondamentalement sûr et raisonner à partir de là.
On ne base alors pas notre raisonnement sur des comparaisons, sur ce que les autres pensent ou encore sur des croyances populaires mais sur des données fondamentales (data).
Le prix des matériaux sur les marché boursier par exemple est une donnée. Si on achète aujourd’hui de l’aluminium à $1885 la tonne c’est un fait. C’est objectif, indiscutable.
Et parce que ces données sont fondamentales et solides, elles nous permettent d’ancrer notre raisonnement à la réalité et ainsi limiter le risque que l’on prend lorsque l’on cherche à innover.
Le raisonnement par premiers principes nous contraint par nature à nous poser continuellement les bonnes questions et ainsi à augmenter significativement nos probabilités de réussite.
Quand l’analogie nous permet d’innover radicalement
Le raisonnement par analogie bride notre capacité à innover lorsqu’on l’utilise au sein même d’une industrie. Mais qu’en est-il de l’analogie transversale, c’est-à dire lorsque l’on copie le système d’une industrie ou d’un domaine en particulier pour développer une innovation dans une autre industrie ou un autre domaine ?
Et bien dans ce cas de figure, l’analogie peut produire des innovations radicales comme le prouve Henry Ford et George de Mestral.
En 1913, Ford s’inspire d’une chaîne d’assemblage qu’il a découvert dans les abattoirs de Chicago pour améliorer la productivité sur sa chaîne de production automobile. Il décide alors de spécialiser le travail des ouvriers.
“L’homme qui place une pièce ne la fixe pas, l’homme qui place un boulon ne met par l’écrou et l’homme qui place l’écrou ne le visse pas.” 3
Résultat, Ford met près de 8 fois moins de temps à produire ses voitures (93 min contre 728 min avant), et divise par 2 leur prix de vente.
Ces performances impressionnantes ne manquent pas d’inspirer les concurrents de Ford qui s’empresseront à leur tour de changer leur manière de produire. Il suffira alors de seulement quelques années pour que ce dispositif devienne la norme dans l’industrie automobile.
En comparant la chaîne de production d’un abattoir et ceux de sa ligne de production automobile, Ford montre comment on peut innover radicalement en raisonnant par analogie transversale.
Un autre bon exemple est celui de George de Mestral.
En 1941 en revenant d’une partie de chasse, il remarque qu’un bon nombre de bardanes sont accrochées à ses vêtements ainsi qu’aux poils de son chien.
Curieux, il les observe au microscope et remarque que les épines du fruit sont terminées par des crochets déformables. C’est ce qui leur permet de s’accrocher aussi bien aux tissus et poils.
Cette découverte lui donne une idée …
Pourquoi ne pas créer 2 bandes, une crocheté déformable et une autre recouvert de boucles de fil, pour créer un nouveau type de fermeture ?
C’est en partant de cette question que naît l’entreprise Velcro.
Aujourd’hui l’entreprise fournit des solutions de fermeture pour le secteur textile, automobile, pour les produits de grande consommation, la construction, l’agriculture et bien plus.
L’analogie ici est encore transversale. George de Mestral copie une idée observer dans la nature (domaine biologique) et l’importe dans d’autres domaines complètement différents.
Les points à retenir:
- Raisonner par premiers principes nous permet d’innover radicalement
- Raisonner par analogie au sein même d’une industrie limite notre capacité à innover
- Raisonner par analogie transversale peut produire des innovations radicales
Notes
- Raisonnement inductif et déductif
- source: http://www.toupie.org/Dictionnaire/Analogie.htm
- H. Ford, S. Crowther, My Life and Work (1922), chp. V, « Getting into production », p. 78