Connaissez-vous le paradoxe de l’âne de Buridan ?
Un âne se tenait devant un picotin d’avoine et un seau d’eau. Il ne savait pas par quoi commencer. Il passa tellement de temps à réfléchir et à se demander quel serait le meilleur choix qu’il finit par mourir de faim et de soif.
Cet exemple absurde illustre parfaitement ce qu’est la paralysie de l’analyse.
Qu’est-ce que la paralysie de l’analyse ?
La paralysie de l’analyse, ou paralysie analytique, c’est ce qu’il se produit quand on sur-analyse les choses. C’est quand on ne parvient pas à prendre de décisions parce qu’on a peur de faire le mauvais choix et/ou que l’on fait face à trop d’options.
Au lieu de se décider et agir, on reste coincé dans la phase de recherche et de réflexion. On ne cesse d’évaluer nos options, de les étudier et de peser le pour et le contre.
Même si on dispose déjà d’informations suffisantes pour faire le bon choix, on continue de lire toujours plus de livres, on demande toujours plus de conseils, regarde toujours plus de vidéos… sans jamais réussir à passer à l’action.
Faire des recherches est sain en soi. C’est ce qui nous permet de prendre des décisions informées. Mais cela devient un problème quand cette phase de recherche s’éternise et qu’elle se transforme en une excuse pour retarder nos décisions.
Les conséquences de la paralysie de l’analyse
La paralysie de l’analyse pose problème à plusieurs niveaux.
Tout d’abord sur-analyser les choses diminue nos performances mentales. Quand on est paralysé par l’analyse, on se sent stressé et anxieux. Or notre cerveau sous l’effet du stress à plus de difficulté à se concentrer. Il est envahi par des pensées distrayantes qui nous empêchent d’exploiter pleinement nos capacités. Il “s’étouffe” sous la pression pour reprendre le terme de Sian.L Beilock et Thomas H. Carr spécialistes en psychologie et sciences cognitives.1
La paralysie de l’analyse nuit aussi à notre créativité. Selon Grace Hawthorne professeure à l’université de Stanford, trop réfléchir nous empêche de présenter notre travail le plus créatif.
On a tous connu cela, on est devant une feuille blanche, on veut écrire quelque chose mais on est comme bloqué. Les idées se bousculent dans notre tête et on ne sait pas par où commencer. On se met tellement de pression pour écrire quelque chose de parfait, qu’on ne parvient pas à écrire du tout.
Ce syndrome de la page blanche n’est en fait ni plus ni moins qu’une forme de paralysie de l’analyse. On ne réussit pas à choisir de quoi on va parler et on est terrifié à cette idée.
La paralysie analytique peut également nous rendre malheureux. Dans son étude sur les choix et le bonheur 2, Barry Schwartz distingue 2 types de personne : les satisficers et les maximizers.
Quand il s’agit de prendre des décisions, les satisficers se contentent de l’option la plus satisfaisante à leurs yeux, c’est-à-dire qu’ils choisissent celle qu’ils jugent assez bonne. Les maximizers, eux, à l’inverse cherchent à prendre la décision parfaite. Un choix juste satisfaisant ne leur suffit pas. Ils ont besoin de savoir qu’ils ont exploré toutes leurs options avant de faire leur choix ce qui mène souvent à la paralysie.
Ce que l’étude conclut c’est que les maximizers parviennent certes à faire de meilleurs choix mais que les satisficers eux sont plus heureux.
Faire les meilleurs choix n’est donc pas toujours synonyme de bonheur, cela peut aussi nous exposer à la paralysie de l’analyse.
Comment surmonter la paralysie de l’analyse ?
La technique de Powell
Colin Powell ancien homme politique américain et Etat Major des armés a été amené à prendre de nombreuses décisions critiques au cours de sa carrière. Dans son livre My American Journey (aff) il donne une technique simple pour surmonter la paralysie de l’analyse. Il l’appelle la formule P = 40 à 70.
Pour faire simple la formule 40 – 70 consiste à dire que l’on ne doit pas prendre de décision quand les informations dont on dispose nous donnent moins de 40% de chance de réussite. Mais on ne doit pas non plus attendre d’avoir plus de 70% de chance de réussite pour faire un choix car il sera souvent déjà trop tard.
Imaginons que l’on veuille acheter une maison. Si on se contente des informations et des photos fournies dans une petite annonce pour prendre une décision, alors on est dans la tranche 0 – 40. Le peu d’informations dont on dispose nous donne peu de chance de faire le bon choix.
En revanche si on a déjà visité la maison plus d’une dizaine de fois, que l’on a posé toutes les questions nécessaires et que l’on dispose de tous les documents relatifs à la maison (plan, année de construction, terrain…), on est dans la tranche 70 – 100. Il faut prendre une décision rapidement car si on continue de récolter encore plus d’informations, la maison risque de nous passer sous le nez.
Le sweet spot se situe donc entre 40 et 70% c’est-à-dire quand les informations dont on dispose nous donnent entre 40 et 70% de chance prendre la bonne décision.
Pour aller plus loin : 4 façons de limiter l’infobésité pour prendre des décisions saines
Prendre une MVD
Changer de carrière, démarrer une entreprise, acheter une maison, déménager… sont des décisions qui nécessitent réflexion. Elles impliquent de grands changements dans notre vie. Et comme les enjeux sont importants, on est bien plus susceptible d’être paralysé par l’analyse. Alors comment surmonter cette paralysie quand on prend des décisions de vie ?
Grâce à ce que j’appelle les MVD (Décisions Minimum Viables).
Il y a quelques années Eric Ries l’auteur de Lean Start up (aff) a popularisé le terme de MVP (Produit Minimum Viable). Cette stratégie consiste pour les entreprises à créer le produit le plus simple possible dans le but de le confronter rapidement au marché et d’obtenir des retours. Cela permet de tester l’intérêt du marché sans avoir à passer des mois à créer un produit et à dépenser des centaines de milliers d’euros.
Cette stratégie de MVP, qui permet aux entreprises de réduire leur marge d’erreur, peut tout à fait être adaptée à la prise de décision. Au lieu de sauter à l’eau et prendre une grande décision du jour au lendemain, on peut déjà prendre la température avec une MVD. C’est-à-dire prendre une plus petite décision pour nous donner un avant goût de ce qui se passerait si on venait à prendre la grande décision.
Au lieu de changer complètement de carrière, on peut déjà faire quelques missions en parallèle de notre travail ou faire un stage pour tester notre éventuelle nouvelle profession.
Et au lieu de déménager dans une nouvelle ville que l’on ne connait pas, on peut y passer un week-end comme un local pour voir si on s’y plairait.
L’idée est de prendre de petites décisions sans risque pour nous aider à faire de plus grands choix et donc à surmonter la paralysie de l’analyse.
S’imposer une date butoir
La loi de Parkinson déclare que plus on se laisse de temps pour accomplir une tâche donnée, plus on mettra de temps à accomplir cette tâche. Ce qui est vrai pour nos tâches est aussi vrai pour nos décisions.
Quand on ne limite pas nos décisions dans le temps, on passe plus de temps à explorer nos options et à réfléchir, ce qui peut conduire à la paralysie.
Pour éviter de rester bloqué par l’analyse, il est important de fixer une date butoir. Autrement dit de définir un jour avant lequel on doit impérativement prendre notre décision. Par exemple :
“D’ici le jeudi 12 décembre 18h, je déciderai si je commence cette nouvelle entreprise.”
Limiter temporellement notre décision crée l’urgence. Ainsi on est moins tenté de s’étaler dans le temps et trop réfléchir. Cette astuce fonctionne d’autant plus quand on la combine à la technique que l’on va voir dans la partie suivante.
S’engager publiquement
Quand on est seul face à nos décisions, on est toujours tenté de procrastiner et de trouver des excuses. Si on doit prendre une décision depuis 2 semaines et que l’on continue de la repousser parce qu’on est paralysé par l’analyse, personne ne nous en tiendra rigueur.
En revanche quand on partage publiquement nos décisions, la dynamique change. On n’est plus seul, il y a des témoins. On se sent alors comme obligé d’agir et faire un choix.
Il y a quelques années je voulais monter mon agence web. J’ai voulu me préparer au maximum. J’ai donc imaginé quelle serait mon activité, mon positionnement marketing, mon approche de prospection, mon statut d’entreprise… Et plus je me préparais, plus j’avais le sentiment qu’il me manquait des informations. J’étais en fait paralysé par l’analyse.
Et puis j’ai parlé de mon agence autour de moi et là les choses ont commencé à changer. Je n’étais plus seul face à ma décision. A chaque fois que je discutais avec mes proches, ils me demandaient où j’en étais dans la création de mon agence. J’ai alors senti comme une urgence de passer à l’action. Je ne voulais plus avoir l’air bête à chaque fois qu’ils me demandaient des nouvelles de mon projet d’entreprise. Je voulais pouvoir leur dire que mon projet avançait et non pas que j’étais toujours dans l’indécision.
1 semaine après avoir commencé à parlé de mon agence à mes proches, j’ai déposé mon statut d’entreprise et démarrer mon activité.
Partager publiquement ma décision est ce qui m’a permis de surmonter ma paralysie et de passer à l’action.
Accepter de prendre une mauvaise décision
Qu’est-ce qui est pire : Prendre une mauvaise décision mais progresser ou ne rien faire et regretter toute sa vie ?
Si on est paralysé par l’analyse c’est parce qu’on a peur de faire les mauvais choix. Mais quand on y réfléchit bien, prendre une mauvaise décision n’est pas si terrible que cela en soi. La plupart des décisions que nous prenons sont réversibles. C’est-à-dire que l’on peut toujours revenir en arrière si elles ne nous conviennent pas.
“Vous pouvez franchir une porte et sortir de l’autre côté si ça ne marche pas.”
Richard Branson
Prendre une mauvaise décision c’est aussi l’occasion d’apprendre et de grandir. Faire des erreurs nous donne l’opportunité d’évoluer et de devenir une meilleure version de nous même. C’est pourquoi je recommande souvent de documenter nos décisions. Cela permet de garder une trace écrite de nos décisions passées pour optimiser toutes nos décisions futures.
Il est important de se rappeler ces points quand on fait face à la paralysie de l’analyse car cela peut nous aider à relâcher la pression et passer enfin à l’action.
Conclusion
Pour conclure nous sommes tous sujet un jour ou l’autre à la paralysie de l’analyse et il important de savoir réagir pour ne pas passer à côté d’opportunités.
Pour rappel voici quelques techniques pour surmonter la paralysie de l’analyse :
- Appliquer la technique de Powell : Prendre une décision quand les informations dont on dispose nous donnent entre 40 et 70% de chance de réussite.
- Prendre une MVD (Décision Minimum Viable) : Au lieu de chercher à prendre une grande décision tout de suite, on peut d’abord en prendre une plus petite sans risque pour se donner un avant goût.
- S’imposer une date butoir : Pour ne pas étaler indéfiniement notre décision dans le temps, on doit s’imposer une date limite avant laquelle on doit trancher et faire un choix.
- S’engager publiquement : Partager notre décision avec les autres nous pousse à agir et décider.
- Accepter de prendre de mauvaises décisions : Il est important de se rappeler que prendre une mauvaise décision n’est pas une fatalité dans la grande majorité des cas. On peut toujours revenir en arrière ou apprendre de nos erreurs.
Notes :