A la fin des années 70, Ray Dalio, le fondateur de Bridgewater 1, avait calculé que les banques américaines avaient prêté bien plus d’argent aux pays en voie de développement que ces dernières n’étaient en capacité de leur rembourser.
Il estima que les Etats Unis connaîtraient par conséquent une crise de la dette et une chute générale du marché des actions.
En août 1982, Mexico et une série de pays furent en défaut de paiement comme il l’avait anticipé. Seulement plutôt que de chuter, le marché des actions s’envola.
Les conséquences pour Ray furent désastreuses. Il perdit tout son argent, l’argent de ses clients et dut licencier de nombreux employés.
Il explique aujourd’hui que ce fut un des moments les plus difficiles de sa vie mais aussi une des meilleures leçons qu’il ait pu recevoir.
Cela changea pour toujours son attitude sur sa manière de prendre des décisions. Plutôt que de penser “J’ai raison”, il commença à se demander “Comment je sais que j’ai raison ?”
Ray se mit alors en quête de chercher les personnes les plus brillantes pour le contredire et tester ses hypothèses. Il systématisa cette approche en créant ce qu’il appelle une méritocratie d’idées.
Il ne voulait pas d’un système autoritaire au sein duquel lui dirige et les autres suivent, ni d’une démocratie où toutes les idées sont considérées de manière égale. Il voulait développer un environnement ouvert dans lequel seules les meilleures idées gagnent.
Pour développer un tel environnement il lui fallait mettre en place 2 choses :
- Une vérité radicale
- Une transparence radicale
Ce que permettent ces 2 éléments c’est d’obtenir des retours honnêtes et vrais de la part des personnes qui travaillent au sein de son organisation, et ce peu importe leur statut ou leur position.
Voici par exemple un email envoyé par un employé à son PDG Ray Dalio :
De : Jim H
A : Ray D; Lionel K, Greg J…
Sujet : Retours sur notre réunionRay tu mérites un D pour ta performance aujourd’hui durant notre réunion… tu ne t’es pas préparé du tout sinon comment aurais-tu pu être autant désorganisé ? Dans le futur nous souhaiterions que tu prennes plus de temps pour te préparer. Nous ne pouvons pas laisser cela arriver encore. Si tu estimes que j’ai tort de penser cela, n’hésites pas à me le faire savoir.
Cette vérité et transparence radicale permet d’identifier efficacement les problèmes qui surviennent, de permettre à tout le monde de proposer ses idées et de prendre de meilleures décisions en se basant sur des informations fiables.
Sur ces mêmes bases de transparence, Ray mit également en place un outil qu’il appelle le Dot Collector. 2
Le Dot Collector est un logiciel qui permet de collecter ce que tout le monde pense lors de réunions.
Lorsqu’une personne exprime son avis sur un sujet donné, les membres du groupe choisissent chacun un attribut proposé par le Dot Collector pour qualifier l’intervention, puis donnent une note de 0 à 10.
Par exemple Jane sélectionne l’attribut « manque d’ouverture d’esprit et de certitude » pour qualifier l’intervention de Ray et lui attribut une note de 3/10.
Comme chaque personne est différente, chacune attribue une note différente. Cette dernière est par ailleurs visible aux yeux de tous sur leur écran.
L’intérêt de cet outil est qu’il provoque un changement de perception radical pour tout ceux qui l’utilisent. Une personne qui voit les notes des autres par rapport aux siennes pensera naturellement :
“Comment je sais que mon opinion est la bonne ? ”
Cela remet en cause ses à priori.
Ce changement de perception permet d’orienter le débat non pas sur les opinions en elles-mêmes mais sur les critères objectifs à utiliser pour déterminer quelles opinions sont les meilleures.
Ce système va même plus loin.
Comme tous les avis et notations sont enregistrés par un ordinateur à chaque réunion, au bout d’un certain temps ce dernier dispose de suffisamment de données pour appréhender la façon dont chaque personne pense en se basant sur leur façon de noter. Ces données permettent ensuite à l’ordinateur de dresser un portrait d’elles.
Avec ces profils générés, il est ensuite plus facile d’associer efficacement les personnes entre elles au sein de l’organisation (ex: faire travailler une personne créative avec une personne plus analytique), de savoir quelles responsabilités leur donner et de prendre des décisions en se basant sur la crédibilité de chacun.
Ce système de pure transparence peut faire peur. Ray explique que 3/4 des employés ne réussissent pas à travailler dans ces conditions. 3 Ceux qui s’adaptent à ce système en revanche deviennent de vraies élites intellectuelles.
Il affirme également que le système de méritocratie d’idées, qu’il mit en place après son échec dans les années 80’s, est une des raisons pour lesquelles Bridgewater est aujourd’hui le plus puissant hedge fund au monde et gère plus de $150 milliards d’actifs.
« Celui qui lit l’avenir dans une boule de cristal, se retrouvera à manger des bout de verre ».
– Ray Dalio
Notes :
- Bridgewater est le plus puissant hedge fund au monde et gère près de $150 milliards d’actifs
- TED : How to build a company where the best ideas win
- How the world’s hedge fund king used idea meritocracy to become a billionaire