L’entrepreneur Mitchell Kapor a dit un jour :
“Chercher des informations sur Internet c’est comme se servir un verre d’eau à une borne à incendie”.
Le flot d’informations est tellement constant, qu’il est impossible de consommer toutes ces données sans faire une overdose. Cette overdose porte même un nom, on appelle cela l’infobésité.
L’infobésité ou surcharge informationnelle fait référence à cet excès d’informations auquel nous sommes confrontés au quotidien.
Entre les réseaux sociaux, les médias, les blogs, les newsletters, les notifications, les messages, la TV… nous produisons aujourd’hui plus d’informations que l’on est capable d’en consommer et cela impacte négativement notre bien être, notre productivité et notre prise de décision.
On pourrait penser qu’en ayant un accès quasi illimité à l’information, on serait capable de mieux se documenter et de prendre de meilleures décisions. En réalité en ayant ouvert les vannes, on remarque qu’il est plus difficile que jamais de filtrer l’information.
Pour faire face à ce volume d’information inédit et mieux décider, il est important de réapprendre à consommer l’information différemment.
Donc dans cet article, on va voir comment gérer le flux d’information quotidien pour mieux décider.
L’infobésité et la prise de décision
L’information est la matière première de nos décisions. On en a besoin pour décider. Quand on en manque, notre réflexe est d’aller en chercher pour nous aider à faire nos choix.
Quand on achète une voiture, on va s’intéresser au prix, à la puissance, aux fonctions, à l’ancienneté du véhicule si c’est une voiture d’occasion… avant de choisir le modèle.
Et plus on cherche d’informations, plus on a confiance en notre choix.
Mais il arrive un moment où on atteint un seuil critique. On a alors tellement de données en tête que l’on a tout autant de mal à prendre notre décision que si nous n’en avions pas du tout.
On a toutes les informations nécessaires pour choisir le bon véhicule mais on ne réussit toujours pas à décider. L’un a une bonne puissance mais consomme beaucoup, l’autre est plus confortable mais plus cher, l’autre encore est moins cher mais en moins bon état… on est paralysé par l’analyse.
Avoir plus d’informations ne facilite donc pas forcément nos choix. Quand on a trop d’informations, la décision peut être tout aussi difficile.
On appelle cela le paradoxe du choix.
Sheena Lyengar, professeure à l’université Columbia, a d’ailleurs montré à quoi ressemblait ce paradoxe avec son expérience sur les pots de confiture 1
Au cours de cette expérience, elle installa un stand dans un supermarché pour offrir des échantillons de confiture. Elle voulait savoir comment les personnes réagiraient en leur présentant un échantillon de 6 pots différents vs 24 pots.
Elle remarqua qu’en présentant 24 échantillons, plus de personnes venaient la voir à son stand que lorsqu’elle n’en présentait que 6. Mais quand il s’agissait d’acheter, en revanche, les choses s’inversaient complètement.
Les personnes à qui elle présentait seulement 6 échantillons achetaient dans 30% des cas alors que lorsqu’elle leur présentait un plus large choix de confiture, seulement 3% d’entre elles achetaient.
Autrement dit plus les clients avaient de choix, moins ils achetaient.
Cela peut sembler paradoxal. On pourrait penser justement que plus on a de choix mieux c’est. Mais ce que cette étude nous prouve c’est que faire face à un large choix peut créer une forme de paralysie qui nous empêche de prendre des décisions.
Avoir plus de choix signifie certes avoir plus d’options mais c’est aussi avoir plus d’informations à traiter ce qui peut créer toutes sortes de blocages.
Alors comment faire face à cette surcharge informationnelle ? Comme surmonte t-on cette paralysie de l’analyse ? Et comment savoir quand on franchit le seuil critique d’information ?
L’approche 40 – 70 de Powell
Colin Powell homme politique américain et ancien Etat-Major des armées décrit dans son livre My American Journey (aff) plusieurs grands principes de leadership et de réflexion.
Parmi ces principes il en évoque un qui, selon lui, permet de jauger le volume nécessaire d’information à récolter pour prendre une bonne décision :
“Utilisez la formule P = 40 à 70, selon laquelle P correspond à la probabilité de succès et les nombres indiquent le pourcentage d’information requis.” “Une fois que l’information est comprise entre 40 et 70, allez-y à l’instinct”
Cette formule signifie que vous ne devez pas prendre de décision quand les informations dont vous disposez vous donnent moins de 40% de chance de réussite. Mais vous ne devez pas non plus attendre d’avoir toutes les informations pour être sûr à 100% de votre décision parce qu’il sera souvent déjà trop tard.
Imaginons que vous hésitiez à acheter une maison. Si vous l’achetez en vous basant seulement sur les photos que vous avez vu sur une annonce, vous êtes dans la tranche 0 – 40. Vous prenez des risques parce que vous disposez de peu d’informations. Votre décision ne repose que sur quelques photos et une description.
Maintenant si à l’inverse vous cherchez à récolter toutes les informations possibles imaginables sur la maison, que vous visitez le bien 10 fois et que vous posez des centaines de questions au vendeur, vous tombez dans la tranche 70 – 100. Vous prenez là aussi des risques car plus vous passez de temps à récolter ces informations, plus la maison risque de vous passer sous le nez.
Le sweet spot se situe donc entre 40 et 70%. Dans cette tranche vous avez suffisamment d’informations pour prendre votre décision et vous êtes assez rapide pour ne pas passer à côté de l’opportunité.
Posez-vous de meilleures questions
Plus les questions que vous vous posez sont génériques, plus il vous sera difficile de prendre vos décisions.
Si vous hésitez entre 24 pots de confiture et que vous vous demandez :
“Quel pot de confiture choisir ?”
Votre cerveau ira chercher un large volume d’informations parce que la question que vous vous posez est large. Il prendra donc en compte vos goûts, les parfums, le prix des pots, les pots que vous avez goûtés ce que vous n’avez pas encore goûtés et confrontera toutes les informations entre elles pour essayer de déterminer le bon choix. Et comme le volume d’information est important, il aura beaucoup de mal à tout traiter.
Alors que si vous vous demandez :
“Quel pot de confiture à moins de 4€ plaira à mes enfants et moi?”
Vous aurez plus de facilité à décider. La question est plus spécifique. Votre cerveau pourra déjà éliminer tous les pots qui ne rentrent pas dans ces critères et il n’aura plus qu’à choisir parmi les pots de confiture restant.
Quand vous faites face à un grand volume d’informations, ce sont les questions spécifiques qui vous aideront à faire sens de toutes les données. Plus vous serez spécifique, plus il vous sera facile d’aller chercher les données dont vous avez besoin pour faire votre choix.
Le Satisficing Model
Dans les années 50 l’économiste Herbert Simon propose le concept de rationalité limité. Ce concept se base sur la prémisse que nous ne pouvons pas toujours être rationnel dans notre processus de décision et ce pour plusieurs raisons :
- Nous n’avons pas toujours les bonnes informations sur les décisions à prendre
- La quantité d’informations à récolter est souvent limitée par des facteurs de coûts et de temps
- Nous négligeons ou ignorons des informations critiques à cause de nos biais
- La qualité des décisions que nous prenons est limitée par nos capacités et notre intelligence
- L’incapacité à se rappeler de grande quantité d’informations est un autre facteur qui limite notre capacité à faire les bons choix
Herbert explique que plutôt que de chercher à corriger ces défauts et à essayer de prendre une décision parfaite, il est préférable d’approcher les choses différemment en appliquant le Satisficing Model.
Le Satisficing Model consiste à prendre la décision la plus satisfaisante possible et ce même si elle est imparfaite. En acceptant que les choses soient imparfaite, on est alors capable de surmonter la paralysie de l’analyse 2.
Quand vous avez un choix à faire, ne cherchez donc pas à prendre la décision parfaite, acceptez plutôt de prendre celle qui est optimale pour dépasser vos blocages.
Le timing des décisions
Vous vous en souvenez à l’école quand vous êtiez en plein examen et que la sonnerie se mettait à retentir alors que vous n’aviez pas fini de répondre à toutes les questions ?
Vos réponses étaient incomplètes mais vous n’aviez pas le choix, vous deviez rendre votre copie.
Pourquoi ne pas appliquer la même urgence à vos décisions ?
Quand vous avez les informations clés en tête et que votre décision s’éternise, une simple deadline peut parfois vous aider à trancher.
Donnez-vous donc une date butoir et engagez-vous à prendre votre décision d’ici cette date. Trouvez un partenaire auprès duquel vous engager. Vous rendrez ainsi l’engagement plus réel et serez forcé de prendre votre décision avant le jour J.
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Pour conclure voici les grands points à retenir de cet article :
- L’infobésité c’est la tendance que nous avons à surconsommer l’information. Cette overdose est synonyme de mal être, de perte de productivité et d’inefficacité dans nos décisions.
- Avoir plus d’informations n’est pas forcément une bonne chose. Cela peut créer une paralysie de l’analyse
- Pour anticiper la surcharge informationnelle, la règle du 40 – 70 de Powell peut nous aider à récolter des données suffisantes pour prendre nos décisions sans pour autant passer à côté d’opportunités
- Quand on fait face à trop d’informations, il faut éviter les questions génériques et se poser des questions plus spécifiques pour démêler la situation
- La perfection est l’ennemi des décisions. On a meilleur temps de choisir la décision la plus satisfaisante possible plutôt que la décision parfaite
- Quand on dispose des informations clés et que notre décision s’éternise, définir une date butoir peut nous forcer à trancher et à enfin prendre une décision
Pour aller plus loin :
- 9 façons d’améliorer instantanément votre prise de décision
- Comment prendre des décisions rapidement et sans risque ? (+ 5 exemples concrets)
- Système 1 / Système 2 : Les 2 vitesses de la pensée
- Comment prendre de meilleures décisions avec le Principe de l’Eclaireur
- 3 exercices qui vous aideront à faire des choix intelligents
- Pourquoi et comment documenter votre processus de décision ?
- Matrice de décision : Le guide complet (+modèle Excel gratuit)
- Arbre de décision : le guide complet (+3 exemples utiles et concrets)
- 14 biais cognitifs à absolument connaître pour mieux décider
Notes :