Avez-vous déjà vu le film Will Hunting ?
Ce film raconte l’histoire de Will, un rebelle surdoué, qui vit dans le quartier populaire de South Boston et qui, très tôt, refuse l’avenir prometteur que pouvait lui procurer son intelligence hors du commun.
Un soir, Will et son groupe d’amis vont prendre un verre dans un bar. Un étudiant en première année d’histoire à Harvard, vient alors les voir et cherche à ridiculiser Chukie, un des amis de Will, en étalant ses connaissances devant tout le monde. Voilà la scène :
Etudiant d’Harvard [à Chuckie] : J’espérais que tu serais peut-être en mesure de me donner une idée de l’évolution de l’économie de marché dans les colonies du sud. Moi, je soutiens que préalablement à la guerre révolutionnaire, les modalités économiques, en particulier dans les colonies du sud, pouvaient être définies avec justesse par les termes de pré-capitaliste…
Will : C’est normal que tu soutiennes ça, t’es un étudiant de première année et tu viens de finir le livre d’un petit historien marxiste, Pitt Garrison probablement, et tu resteras convaincu jusqu’à ce que dans un mois tu lises James Lemon, et là tu soutiendras que l’économie en Virginie et en Pennsylvanie était animée d’un esprit d’entreprise tout à fait capitaliste déjà en 1740, et ça durera jusqu’à ce que l’an prochain, tu régurgites Gordon Wood et ses opinions sur la pré-révolution et son utopie, et les effets bénéfiques au capital de toute mobilisation.
Etudiant d’Harvard : Je ne pense pas que je le ferais parce que Wood a tendance à sous-estimer l’impact…
Will : Wood a tendance à sous-estimer l’impact des distinctions sociales fondées sur la fortune, en particulier la fortune héritée. Tu as lu ça dans Vickers ? Travail dans le comté d’Essex, page 98. Ouais, je l’ai lu aussi, tu allais nous régurgiter tous les bouquins. Tu n’as pas une idée personnelle sur le sujet ? Alors c’est ça ton truc, tu arrives dans ce bar, tu débites d’obscurs passages de quelques bouquins et tu prétends que ce sont tes idées à toi ? Et tu fais tout ça juste pour impressionner une fille et embarrasser mon ami ? Ce qui est triste pour un type comme toi, c’est qu’à 50 ans tu vas commencer à penser par toi-même et tu vas découvrir le fait qu’il y a deux certitudes dans ta vie : primo, t’es pas fait pour penser. Et deuzio, tu as paumé 150 000 dollars pour un enseignement que tu aurais trouvé pour un dollar cinquante d’amende de retard à la bibliothèque municipale.
J’aime beaucoup cette scène du film parce que Will nous rappelle qu’utiliser des mots compliqués et recracher bêtement des choses que l’on a apprises par coeur ne signifie pas qu’on les a comprises pour autant, bien au contraire.
La culture, c’est comme la confiture, moins on en a, plus on l’étale.
Françoise Sagan
On est tous plus ou moins coupable de cette imposture. On prétend tous connaitre différentes choses sur différents sujets mais il suffirait que quelqu’un nous cuisine un peu sur ces sujets pour révéler nos nombreuses lacunes.
Alors comment faire pour comprendre les choses en profondeur ?
Richard Feynman, un des physiciens les plus influents de la seconde moitié du XXème siècle et prix Nobel de physique, avait mis au point au cours de sa carrière une méthode d’apprentissage simple mais efficace pour comprendre n’importe quel sujet complexe.
Dans cet article, on va voir quelle est cette méthode et comment l’appliquer.
La méthode d’apprentissage de Feynman en 4 étapes
Etape 1 : Choisir le sujet
La première étape consiste tout simplement à choisir le sujet que l’on souhaite apprendre et à l’écrire au dessus d’une feuille blanche.
Etape 2 : Enseigner l’idée
Dans l’étape 2 on note tout ce que l’on connait déjà sur le sujet en employant des mots simples et en évitant un maximum le jargon. On peut éventuellement prendre des analogies si cela peut aider. On doit faire comme si on enseignait ce sujet à quelqu’un d’autre.
Nos explications doivent être si simples qu’un enfant de 12 ans qui lit nos notes pourrait les comprendre.
Le but de cet exercice est de mettre le doigt sur ce que l’on comprend réellement mais aussi sur ce qui n’est pas clair. Car si on ne sait pas expliquer un sujet en employant des termes simples, c’est souvent signe qu’on ne le comprend pas vraiment.
Si vous ne pouvez pas l’expliquer simplement, c’est que vous ne le comprenez pas assez bien. –
Albert Einstein
Etape 3 : Combler les lacunes
Maintenant que l’on sait ce qui n’est pas clair, on doit partir à la recherche des informations qui nous manquent pour mieux comprendre. Pour cela on replonge la tête dans nos bouquins, on lit des articles, on regarde des vidéos sur le sujet, on pose des questions… Bref on fait tout le nécessaire pour comprendre les choses qui sont encore obscures.
Ensuite, toujours sur notre feuille blanche, on complète les connaissances qui nous manquaient par les nouvelles connaissances acquises en s’assurant toujours de fournir des explications simples.
Si certains concepts restent toujours flous, on doit recommencer l’exercice jusqu’à temps que ce soit clair à 100%.
Etape 4 (optionnelle) : Transmettre nos connaissances
A ce stade on doit connaitre suffisamment bien le sujet pour être capable de l’expliquer à quelqu’un d’autre qui ne le connait pas du tout. C’est le test ultime, c’est celui où on transmet réellement nos connaissances.
L’intérêt d’expliquer ce que l’on a appris à quelqu’un d’autre, c’est que cette personne pourra nous poser des questions auxquelles nous n’aurions pas forcément pensé ce qui sera l’occasion d’approfondir encore plus le sujet.
En suivant cette méthode d’apprentissage en 4 étapes, on peut apprendre n’importe quel sujet en profondeur.
Faire preuve d’esprit critique
Les mathématiques, la physique ou la biologie sont des sciences exactes. Personne ne peut remettre en cause que 1 + 1 font 2 ou qu’il existe une gravité terrestre. Ce sont des vérités fondamentales.
En revanche, il existe d’autres sujets pour lesquels il n’existe aucune vérité et qui par conséquent sont sources de débat. Je pense notamment à la politique, à la finance, à l’économie, à la philosophie, à la religion et à tous les sujets de société en générale.
Quand on les étudie, on doit savoir lire entre les lignes car les ouvrages des auteurs qui traitent de ces sujets ont souvent un parti pris, tout comme les journalistes qui écrivent les articles que nous consultons ou encore les conférenciers et autres experts.
L’information que l’on absorbe est donc toujours un peu biaisée ce qui peut complexifier l’étude de ces sujets.
Le meilleur moyen de les comprendre objectivement est de prendre de la hauteur.
Quand on étudie un livre, que l’on regarde une conférence ou que l’on discute avec quelqu’un, on doit bien garder en tête que l’information peut potentiellement être corrompue par la personne qui nous la transmet.
Personnellement à chaque fois que je lis un livre sur des sujets politiques ou sociétaux par exemple, je me renseigne toujours sur l’auteur avant même de lire la première page du livre. Je veux savoir quelles sont les idées qu’il ou elle défends et quels sont ses courants politiques. Cela me permet de prendre la distance avec ce que je lis et l’incorporer dans ma réflexion.
Quand on étudie des sujets qui ne se basent pas sur des vérités fondamentales, on doit donc faire preuve d’esprit critique. C’est la meilleure façon de comprendre objectivement ces sujets.
Conclusion
La méthode d’apprentissage de Feynman est une façon simple d’apprendre n’importe quel sujet complexe. Pour rappel voici les différentes étapes à suivre pour appliquer cette méthode :
- Etape 1 : Choisir le sujet d’étude
- Etape 2 : Enseigner l’idée comme si on l’expliquait à un enfant de 12 ans
- Etape 3 : Combler nos lacunes
- Etape 4 : Transmettre nos connaissances à quelqu’un d’autre