La carte n’est pas le territoire est un modèle mental qui nous vient d’Alfred Korzybski, philosophe, scientifique et expert des services de renseignement. Ce modèle nous rappelle de ne pas confondre notre propre représentation du monde (la carte) avec la réalité de ce monde (le territoire).
C’est d’ailleurs ce que le surréaliste René Magritte voulait montrer avec son célèbre tableau Ceci n’est pas une pipe. Son oeuvre illustre le fait que la peinture de la pipe n’est pas une pipe à proprement parler, mais une représentation picturale de la pipe.
Alors, quelle est la différence entre la carte et le territoire exactement ?
La différence entre la carte et le territoire
Le territoire c’est la réalité avec toute la complexité qu’elle implique. Ce sont les montagnes, les forêts, les rivières, les lacs, les animaux… Mais c’est aussi toute la dynamique complexe qu’il y a derrière tout cela.
En hiver la neige change les reliefs, au printemps les rivières sont en crue, pendant les tempêtes les arbres tombent et pendant les tremblements de terre ce sont parfois des pans entiers de montagnes qui glissent.
Le territoire change donc en permanence. Et il est impossible pour la carte de refléter tous ces changements. Parce que la carte est une représentation simplifiée et figée de la réalité. On peut y voir les grandes lignes, les frontières, les chemins, les reliefs, les principales rivières, les lacs… mais rien de plus.
La carte n’est pas aussi précise que le territoire, mais elle a l’avantage d’être compréhensible et pratique. Car si la carte était aussi précise que le territoire en lui-même, elle serait tellement détaillée qu’elle deviendrait illisible et donc inutile.
La carte n’est jamais exacte, elle simplifie la réalité, mais elle permet de nous aider à naviguer dans ce monde.
Nos cartes sont toutes différentes
Il existe une seule réalité, mais une infinité de représentations différentes.
Ma représentation du monde est certainement différente de la vôtre et la vôtre est certainement différente de celle de votre voisin. Car nous avons tous des expériences, des connaissances et des croyances différentes qui nous font voir le monde différemment.
Mais peu importe notre niveau d’expérience et de connaissances, nos représentations restent toutes partielles comme l’illustre si bien la fable des six aveugles et de l’éléphant.
Six hommes d’Inde, très enclins à parfaire leurs connaissances, allèrent voir un éléphant (bien que tous fussent aveugles) afin que chacun, en l’observant, puisse satisfaire sa curiosité.
Le premier s’approcha de l’éléphant et perdant pied, alla buter contre son flanc large et robuste. Il s’exclama aussitôt : « Mon Dieu ! Mais l’éléphant ressemble beaucoup à un mur! ».
Le second, palpant une défense, s’écria : « Ho ! qu’est-ce que cet objet si rond, si lisse et si pointu? Il ne fait aucun doute que cet éléphant extraordinaire ressemble beaucoup à une lance ! ».
Le troisième s’avança vers l’éléphant et, saisissant par inadvertance la trompe qui se tortillait, s’écria sans hésitation : « Je vois que l’éléphant ressemble beaucoup à un serpent ! ».
Le quatrième, de sa main fébrile, se mit à palper le genou. « De toute évidence, dit-il, cet animal fabuleux ressemble à un arbre ! ».
Le cinquième toucha par hasard à l’oreille et dit : « Même le plus aveugle des hommes peut dire à quoi ressemble le plus l’éléphant ; nul ne peut me prouver le contraire, ce magnifique éléphant ressemble à un éventail ! »
Le sixième commença tout juste à tâter l’animal, la queue qui se balançait lui tomba dans la main. « Je vois, dit-il, que l’éléphant ressemble beaucoup à une corde ! ».
Ainsi, ces hommes d’Inde discutèrent longuement, chacun faisant valoir son opinion avec force et fermeté. Même si chacun avait partiellement raison, tous étaient dans l’erreur. »
On a tous une représentation partielle de la réalité et on pense tous avoir raison. Seulement, il y a beaucoup de choses que l’on ne voit pas. Et il est important de se le rappeler pour rester objectif.
On doit toujours garder en tête que notre carte est incomplète et que nos biais troublent notre jugement. C’est la seule façon de prendre de meilleures décisions et d’être plus ouvert et tolérant.
Quand on reconnaît que l’on ne connait pas la vérité absolue, on est plus enclin à s’intéresser à la représentation que les autres ont du monde, même si celle-ci est opposée à la nôtre. On peut alors voir le monde à travers leurs yeux et comprendre des choses que l’on ne comprenait pas avant.
C’est le meilleur moyen d’avoir une représentation plus complète et plus juste du territoire. Car même s’il est impossible de connaître la vérité absolue, il est toujours possible d’avoir moins tort et c’est déjà beaucoup.