“Ne rien faire est parfois le meilleur remède” ( Hippocrate )
C’était une journée normale pour Michael Jarrad Skolnik 1, 22 ans étudiant secouriste. Il était assis sur son canapé et jouait avec son nouveau chien.
Soudain il fût pris de vertiges et tomba dans les pommes.
En se réveillant quelques minutes plus tard, il savait que quelque chose était anormal.
Il se rendit alors immédiatement aux urgences. Un neurochirurgien procéda à un scan et identifia un point de 3 millimètres dans son cerveau. Il en déduisit que Michael avait eut une crise d’épilepsie et qu’il devait être opéré le plus rapidement possible.
Le chirurgien assura à Michael et à sa famille que l’opération se ferait sans difficulté et qu’il l’avait déjà faite auparavant. A première vue il n’y avait donc pas à s’inquiéter.
Seulement l’opération qui était censée durer 3 heures, s’étendit sur 6 longues heures aux termes desquelles aucun kyste ne fût enlevé ni même découvert.
A la suite de cette opération, Michael souffrit, de diverses infections, embolies pulmonaires, problèmes respiratoires et paralysies. Il devint même partiellement aveugle et incapable de parler.
Il mourût en 2004 après 32 mois de souffrance.
Les mois qui suivirent son décès, une enquête fut ouverte au cours de laquelle de nombreux médecins se penchèrent sur l’affaire. Ils estimèrent quasi unanimement que le point identifié sur le scanner était en fait bénin et que l’opération n’était pas nécessaire.
Ils expliquèrent que Michael s’était évanouie probablement à cause d’une mauvaise réaction au Wellbutrin, un médicament qu’il prenait pour l’aider à arrêter de fumer.
L’enquête conclut que si le neurochirurgien avait fait un meilleur diagnostic et n’avait pas décidé d’opérer Michael, ce dernier serait probablement encore en vie aujourd’hui.
Ce cas tragique n’est malheureusement pas isolé.
Chaque année de mauvais diagnostics provoquent toutes sortes de complications chez des millions de personnes dans le monde. Cela porte même un nom.
On appelle cela la iatrogénèse 2.
La iatrogénèse ce sont toutes les conséquences néfastes d’un traitement prescrit par un professionnel de santé.
En grec, iatros signifie médecin et génès signifie qui est engendré. Iatrogénèse signifie donc “qui est provoqué par le médecin”.
La iatrogénèse est un terme employé en médecine mais peut définir plus généralement toutes les conséquences indésirables provoquées involontairement par nos actions.
Le concept de iatrogénèse pose alors la question :
Si les effets de nos actions sont parfois plus néfastes que bénéfiques, pourquoi s’obstine t-on à agir ?
Que ce soit en médecine, en finance, en entrepreneuriat, en marketing, en sport … nous avons tous le réflexe d’agir et d’intervenir.
On oublie souvent que l’inaction est parfois tout aussi bénéfique que l’action.
Dans l’Art de la Guerre 3 par exemple Sun Tzu explique que ne pas agir est la chose la plus noble à faire :
« Le moyen ultime de gagner une guerre est de soumettre l’ennemi sans combat. »
Selon lui, la sagesse réside dans notre capacité à savoir quand agir et quand s’abstenir
« Celui qui sait quand se battre et quand s’abstenir, finit généralement vainqueur. »
Ce même principe d’action/inaction est également présent dans d’autres disciplines tel que l’entrepreneuriat.
Selon Richard Branson, un vrai entrepreneur est quelqu’un qui agit pour faire grandir son entreprise puis qui se retire progressivement pour la laisser tourner sans qu’il ait à intervenir:
“Si vous voulez réussir, vous devez vous extraire de votre business le plus rapidement possible.” 4
En d’autres termes, vous devez agir et fournir tous les efforts initialement puis trouver des personnes brillantes pour prendre le relais.
Votre business doit être capable de tourner sans vous, sans que vous interveniez, ni agissiez.
En finance ne pas agir est aussi recommandé par les meilleurs investisseurs.
Prenons 2 exemples; le fond de retraite du Nevada et la philosophie de Charlie Munger.
Le fond de retraite public du Nevada est évalué à $35 milliards et est investi sur divers indices boursiers. Il permet aux policiers, pompiers et aux employés des services publics de toucher une retraite.
Ce fond entier de $35 milliards est géré par une seule et même personne, Steve Edmundson, dont la philosophie d’investissement est d’intervenir le moins possible.
Dans un entretien pour le Wall Street Journal en 2016 il déclarait qu’il touchait très rarement au fond de pension qu’il gérait. Il effectuait seulement un ou deux changements sur le portefeuille au cours de l’année et laissait les intérêts composés faire le reste.
On retrouve cette même philosophie chez Charlie Munger (patrimoine : $1,56 milliards) :
“L’assiduité c’est la capacité à se poser et à ne rien faire jusqu’à temps que d’excellentes opportunités se présentent”.
En d’autres termes, quand il s’agit d’investissement boursier, il est plus sage d’attendre que les bonnes opportunités se présentent, de les saisir et ensuite de laisser les intérêts composés faire le reste.
Que ce soit en médecine, dans le domaine militaire, en entrepreneuriat ou en finance on voit donc bien que l’inaction est bénéfique.
Bien évidemment, agir est utile dans beaucoup de cas mais ne pas agir est aussi parfois nécessaire.
Alors comment savoir quand il est préférable de s’abstenir d’agir ?
Quand ne pas agir est préférable
Ne pas agir quand on manque d’information :
Mieux vaut s’abstenir d’agir que d’agir sans connaissance suffisante ou sans information. Par exemple mieux vaut ne pas opérer une personne d’une tumeur sans faire un diagnostic approfondi au préalable. Et mieux vaut ne pas investir dans une entreprise dont on ne connaît pas la santé financière.
Ne pas agir quand notre réflexion est insuffisante :
Il est préférable de ne pas agir avant d’avoir suffisamment réfléchi c’est-à-dire avant d’avoir considéré toutes les données dont on dispose. On connait tous l’adage:
“Agir avant de réfléchir peut causer du repentir.”
Ne pas agir sous l’émotion :
Combien de fois a t-on regretté d’avoir agi sous la colère ? Agir lorsque notre état émotionnel est instable est très souvent une mauvaise idée.
“Ne promettez pas quand vous êtes joyeux, ne répondez pas quand vous êtes en colère, ne décidez pas quand vous êtes triste.”
Conclusion
Notre culture est énormément portée sur “le faire”, sur l’action.
“Just do it !” comme Nike nous le répète.
Agir nous donne le sentiment d’être sous contrôle. Cela nous rassure et nous donne bonne conscience. Au moins on fait quelque chose.
L’inaction à l’inverse est perçue comme un signe de fainéantise ou de stupidité.
Seulement croire que toutes nos actions sont bénéfiques trahit un manque de lucidité.
Comme nous l’avons vu s’abstenir d’agir est parfois bien plus bénéfique et peut faire la différence entre la vie et la mort dans certains cas extrêmes.
Gardez ceci en tête la prochaine fois que vous aurez une décision importante à prendre.
Notes