Pour faire des choix intelligents, on doit apprendre à limiter nos biais. Et s’il y a bien un biais qui nous empêche de faire les bons choix, c’est le biais de disponibilité.
Le biais de disponibilité c’est ce réflexe que nous avons tous à privilégier les informations qui sont immédiatement disponibles c’est-à-dire que par défaut on se base en priorité sur nos croyances, impressions, préjugés et émotions.
Quand on est sous l’effet de ce biais, notre cerveau prend involontairement des raccourcis et s’abstient de rechercher de nouvelles informations qui pourraient pourtant éclairer notre prise de décision.
Résultat, on omet certaines informations cruciales au moment de faire nos choix et/ou on passe à côté d’opportunités parce qu’on ne voit pas toute l’étendue des solutions qui s’offrent à nous.
Pourtant si on passait un peu plus de temps à réfléchir et à analyser nos choix, on obtiendrait plus d’informations qui nous aideraient à prendre de meilleures décisions.
Alors comment faire pour limiter ce biais ? Comment faire des choix plus intelligents ?
Une première façon de contrer ce biais est de se faire aider par quelqu’un qui a déjà été confronté à un choix similaire par le passé. Cette personne pourra en effet nous sortir de notre inertie et nous apporter de nouvelles informations auxquelles nous n’avions pas forcément penser.
La 2ème solution, plus méthodologique, est d’utiliser différentes techniques qui nous forcent à aller chercher de nouvelles informations.
Dans cet article on va s’intéresser à 3 de ces méthodes.
Le modèle de l’inversion
Quand on prend une décision, on tend par réflexe à chercher toutes les informations immédiates qui nous confortent dans nos choix.
Le modèle de l’inversion permet d’aller à contre courant de cela.
Au lieu de sélectionner seulement les informations qui vont dans notre sens, on va chercher volontairement toutes les informations qui expliquent pourquoi ces choix sont mauvais. On inverse notre pensée. On appelle cela plus communément “se faire l’avocat du diable”.
Prenons quelques exemples concrets pour mieux comprendre.
Exemple 1 : L’achat d’une maison
Admettons que vous vouliez acheter votre résidence principale. Vous visitez 1 bien, 2 biens… et au bout du 5ème bien vous trouvez enfin la maison de vos rêves. C’est une magnifique villa au bord de la mer qui réunit tous vos critères et qui en plus est dans votre budget.
A première vue, acheter cette maison semble être le bon choix. Et c’est peut être le cas mais pour en être complètement sûr, vous décidez d’utiliser le modèle d’inversion.
Vous allez au delà de vos émotions et de vos premières impressions très positives (vos informations immédiates) pour aller chercher tous les points négatifs de la maison. Vous retournez dans certaines pièces et cherchez tout ce qui ne va pas.
En faisant cet exercice, vous découvrirez des détails que vous n’aviez pas vu lors de votre premier passage. Avec ces nouveaux éléments en tête, vous pourrez alors faire le bon choix.
Exemple 2 : Le service client
Votre produit devient de plus en plus populaire à tel point que vous n’arrivez plus à répondre à toutes les questions de vos clients. Vous avez besoin de quelqu’un au support client et vous hésitez entre sous-traiter la tâche à une entreprise ou embaucher quelqu’un en interne.
Vous pensez que les 2 options sont bonnes et vous avez du mal à les départager. Vous décidez alors de suivre le modèle d’inversion et d’analyser vos choix sous un oeil volontairement très critique.
Pour la sous-traitance vous commencez par vous demander :
“Pourquoi sous-traiter le service client à une autre entreprise est une très mauvaise idée ?”
Peut être que pour vous sous-traiter est synonyme de perte de contrôle ou peut être que vous avez peur que le sous-traitant ne comprenne pas aussi bien que vous les problématiques de vos clients ou qu’il ait moins à coeur de les aider.
Vous listez ici toutes les raisons qui vous viennent à l’esprit.
Vous faites ensuite la même chose pour le choix concernant l’embauche de quelqu’un en interne :
“Pourquoi embaucher quelqu’un en interne est une très mauvaise idée ?”
Peut être parce que recruter quelqu’un en interne c’est renoncer au budget que vous avez réussi à débloquer pour un autre poste très important dans votre entreprise. Et peut être que vous avez peur que la personne fasse du très mauvais travail après sa période d’essai et que vous vous retrouviez avec une personne qui s’investit peu dans l’entreprise…
Vous listez là aussi tous les éléments qui vous viennent à l’esprit. L’idée ici est vraiment de prendre un point de vue très critique.
Au lieu de vous demandez pourquoi une option est mieux qu’une autre, vous partez du principe que les 2 options sont très mauvaises et vous expliquez pourquoi.
En faisant cet exercice, vous êtes contraint d’aller chercher de nouvelles informations auxquelles vous n’auriez pas forcément pensé.
Lire aussi : Développer son raisonnement, libérer sa créativité et exploser sa productivité avec le modèle d’inversion
Les 6 chapeaux de Bono
Il y a quelques années Edward de Bono, psychologue et spécialiste en sciences cognitives, a inventé une technique permettant de résoudre les problèmes en les analysant sous 6 angles différents. Cette technique est connue sous le nom des 6 chapeaux de Bono.
A l’origine cet exercice a été pensé pour les groupes mais il fonctionne aussi très bien si vous le faites seul.
Pour commencer, imaginez avoir en face de vous 6 chapeaux de couleurs différentes. Chaque chapeau symbolise quelque chose. Et lorsque vous les mettez, vous pensez et agissez selon ce qu’ils symbolisent :
- Le chapeau blanc représente la neutralité. Quand vous le mettez vous pensez faits et chiffres. Toutes les informations que vous considérez sont dénuées d’interprétations.
- Le chapeau rouge représente les émotions. Avec ce chapeau, vous vous fiez à vos intuitions, sentiments, impressions et pressentiments.
- Le chapeau vert symbolise la créativité. Quand vous le portez , il n’y a aucune censure, vous est autorisé à générer de nouvelles idées même farfelues ou provocantes. Vous avez une réflexion fertile.
- Le chapeau noir représente le pessimisme. Ce chapeau vous fait agir avec prudence, il vous fait considérer les dangers, les risques, les objections et les inconvénients.
- Le chapeau jaune représente l’optimisme. Ici vous apportez des critiques positives et constructives. Vous rêvez et êtes stimulé par l’espoir.
- Le chapeau bleu quand à lui représente l’organisation. Quand vous le portez, vous canalisez les idées et vous faites preuve de rigueur et de discipline. Vous synthétisez et retenez les meilleures idées que vous avez générées jusqu’à maintenant.
Si vous voulez enrichir votre réflexion et faire les bons choix, il vous suffit d’analyser vos choix en portant chaque chapeau tour à tour.
Vous commencez par porter le chapeau blanc et vous réfléchissez de façon très analytique à votre décision. Une fois que vous avez fini, vous l’enlevez pour mettre le chapeau rouge et vous analysez le même choix mais cette fois sous le spectre de l’émotion. Vous continuez ainsi de suite jusqu’à mettre le dernier chapeau.
Prenons un exemple pour mieux comprendre.
Admettons que soyez comptable et que vous vouliez changer complètement de carrière. Vous voulez vous lancer dans l’événementiel et vous hésitez encore à sauter le pas. Vous analysez alors le choix auquel vous faites face en portant les 6 chapeaux tour à tour.
Chapeau blanc (neutralité) : “Les salaires moyens pour cette carrière dans l’événementiel sont plus élevés. J’ai fait une formation par le passée dans ce domaine ce qui peut m’aider à apprendre le métier plus rapidement.”
Chapeau rouge (émotions) : “Le travail que je fais ne me plait plus. Chaque matin quand je me lève je me sens démotivé. J’ai l’impression que j’ai fait le tour de ce métier. J’ai envie de passer à autre chose. Si je ne le fais pas maintenant je le regretterai.”
Chapeau vert (créativité) : “Je ne sais pas vraiment à quoi m’attendre en me lançant dans cette carrière mais pour avoir un aperçu je pourrais faire des choses qui s’en rapproche durant mon temps libre. Je pourrais par exemple organiser des évènements bénévolement et voir si ça me plait.”
Chapeau noir (pessimisme) : “Ce nouveau métier risque d’être stressant. Les personnes qui travaillent dans l’évènementiel sont souvent débordées. J’aurai probablement moins de temps pour moi et des horaires moins réguliers.”
Chapeau jaune (optimisme) : “Ce métier est peut être stressant mais j’adore travailler sous l’adrénaline. J’aime aussi me donner de nouveaux challenges. En plus ce métier est bien payé. Dans tous les cas si ça ne me plait pas je peux toujours revenir à mon ancien job provisoirement.”
Chapeau bleu (organisation) : “En résumé j’ai d’un côté mon travail de comptable qui ne me plait plus et de l’autre une carrière dans l’événementiel qui est certes plus stressante mais qui me stimule plus et qui est mieux payée. Avant de sauter le pas et de commencer cette nouvelle carrière, je vais organiser des évènements de façon bénévole en parallèle de mon travail pour voir si ça me plait. Si je prends plaisir à le faire alors je ferai une formation et démissionnerai de mon travail. Si je vois que ça ne me plait pas j’essayerai une autre carrière.”
Ce qui est intéressant de constater en faisant cet exercice c’est qu’au départ, on avait 2 options :
- Garder la carrière de comptable
- Changer de carrière pour travailler dans l’événementiel
Mais en portant chaque chapeau l’un après l’autre, on a réalisé qu’il existait en fait une 3ème option intermédiaire qui est de tester cette nouvelle carrière en parallèle de notre travail.
L’exercice permet donc non seulement d’analyser nos choix sous 6 angles différents mais aussi de trouver de nouvelles idées auxquelles nous n’avions pas forcément pensé.
Entrer dans la peau de quelqu’un d’autre
Un bon moyen de récolter de nouvelles informations pour faire un choix est d’entrer dans la peau de quelqu’un d’autre en se demandant :
Qu’est ce que ________ ferait ?
Par exemple si j’ai du mal à me décider sur la façon de construire mon portefeuille boursier, je pourrais me demander :
Qu’est-ce que Warren Buffett ferait ?
En me posant cette question, je mènerai alors une réflexion différente. Je réfléchirai selon les principes de Buffet et non selon les miens. Je verrai sans doute les choses sous un autre jour et ce qui me permettrait de faire un meilleur choix.
Notez d’ailleurs que cet exercice est très courant en marketing.
En marketing il y a une pratique qui consiste à créer ce que l’on appelle des persona. Si vous n’êtes pas familier avec ce terme, un persona est une personne fictive que l’on imagine et qui possède tous les attributs de la cible réelle que l’on cherche à atteindre.
Par exemple admettons que notre entreprise produise des cosmétiques pour les femmes qui ont entre 30 et 40 ans, on pourrait créer le persona suivant :
Claire 32 ans, mariée, 1 enfant. Elle habite en proche banlieue parisienne et travail dans un cabinet de consulting. Elle gagne un salaire de 2800€ par mois. Elle dépense environ 100€ de cosmétique chaque mois. Elle achète essentiellement ses produits sur des boutiques en ligne…
Créer ce persona, nous aide à entrer plus facilement dans la peau de notre cible et à faire des choix stratégiques en fonction de cela.
Par exemple si on hésite entre créer une boutique physique à Paris ou renforcer la présence de notre site ecommerce, on peut se demander :
Qu’est-ce que Claire préfèrerait ?
En se fiant à notre persona on déterminerait ainsi que renforcer notre présence en ligne est sans doute la meilleure option car notre cible achète essentiellement en ligne.
En entrant dans la peau de quelqu’un autre, on est donc forcé de sortir de notre propre tête et de réfléchir différemment. Et c’est cette réflexion qui nous aide à faire le bon choix et à générer de nouvelles idées.
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Pour conclure voici les points les plus importants à retenir de cet article :
- Le biais de disponibilité est un réflexe que nous avons tous et qui nous empêche d’aller chercher des informations qui pourraient nous être utiles pour faire nos choix.
- Le modèle d’inversion permet de limiter ce biais. En se faisant l’avocat du diable on analyse nos choix sous un oeil très critique.
- Pour approcher nos décisions sous des angles très différents, on peut utiliser les 6 chapeaux de Bono.
- Rentrer dans la peau de quelqu’un d’autre pour réfléchir à un choix est un bon moyen de sortir de sa propre tête et de faire de meilleur choix
Avec ces quelques exercices, vous devriez pouvoir faire des choix intelligents.
Pour aller plus loin :
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