“J’ai passé ma vie à essayer de défaire mes habitudes – mes habitudes de penser en particulier. Elles rétrécissent votre interaction avec le monde. Elles sont les phrases qui vous viennent facilement en tête tel que : “je sais ce que je pense” ou “je sais ce que j’aime” ou encore “je sais ce qui va se passer aujourd’hui”. Si vous remplacez le “je sais” par “je ne sais pas”, alors vous commencerez à évoluer dans l’inconnu. Et c’est là que les trucs intéressants se passent.”
Commençons par comment vous n’apprenez pas à penser.
Une étude faite par une équipe de chercheurs à l’université de Standford a été publiée il y a quelques mois. Les chercheurs voulaient savoir comment les étudiants d’université d’aujourd’hui étaient capables de faire du multitâche bien plus efficacement que les adultes.
La réponse, ils découvrirent – et ce n’est absolument pas ce à quoi ils s’attendaient – est qu’ils ne le peuvent pas. L’amélioration des capacités cognitives que les chercheurs s’attendaient à trouver et les facultés mentales qui leur permettent de faire du multitâche, étaient simplement inexistantes. En d’autres termes, personne n’est capable de faire du multitâches efficacement.
Et voici la découverte la plus surprenante : plus les personnes font du multitâche, pire elles deviennent, pas seulement en terme de capacités mentales mais aussi vis-à-vis du multitâche lui-même.
Une chose qui rendit l’étude différente des autres est que les chercheurs ne testèrent pas les fonctions cognitives pendant que les étudiants faisaient du multitâche. Ils séparèrent en effet le groupe d’étude en 2 avec d’un côté ceux qui faisaient beaucoup de multitâche et de l’autre ceux qui en faisaient peu. Puis ils firent différents tests pour mesurer le type d’habileté cognitive qu’impliquait le multitâche.
Ils trouvèrent à chaque fois que ceux qui faisaient le plus de multitâche performaient le moins bien. Ils étaient plus mauvais à distinguer les informations importantes de celles qui étaient inutiles et étaient incapables d’ignorer ces dernières. Ils étaient plus facilement distraits et étaient mauvais à ce que l’on appelle “le classement mental” c’est-à-dire garder les informations dans les bons cadres conceptuels pour les retrouver rapidement ensuite. Leur esprit était plus désorganisé. Et ils étaient mauvais à la chose même qui définit le multitâche : passer d’une tâche à l’autre.
Le multitâches en somme, ce n’est pas seulement ne pas penser, cela vous empêche aussi de penser. Penser signifie se concentrer sur une chose suffisamment longtemps pour développer une idée.
Ne pas apprendre les idées des autres ou ne pas mémoriser d’information pré-construite peut se révéler utile. Il est important de développer vos propres idées et de penser par vous même. Et cela vous ne pouvez pas le faire par intermittence de 20 secondes en étant constamment interrompu par les messages Facebook, les tweets ou en regardant les vidéos Youtube.
Je trouve dans mon cas que ma première pensée n’est jamais la meilleure. Ma première pensée est toujours celle de quelqu’un d’autre; c’est toujours celle que j’ai déjà entendu à propos d’un sujet ou c’est toujours une opinion commune. C’est seulement en me concentrant, en gardant mon attention sur la question, en étant patient et en laissant les parties de mon esprit jouer que j’arrive à une idée originale. C’est seulement en donnant à mon cerveau l’espace pour faire des associations et créer des connexions que je me surprends. Et souvent, même ces idées s’avèrent ne pas être si bonnes que cela. J’ai besoin de temps aussi pour y penser, pour faire des erreurs et les reconnaître, pour faire de mauvais départs et les corriger, pour surpasser mes impulsions, pour combattre mon désir de déclarer le travail fait et passer à autre chose.
Il fut un temps où mes étudiants se vantaient de la rapidité à laquelle ils écrivaient leur dissertation. Je leur expliquai alors que l’excellent romancier Thomas Mann disait qu’un écrivain est quelqu’un pour qui écrire est plus difficile que les autres (le processus d’écriture est en effet plaisant mais aussi long et difficile comme l’explique Valentin Decker dans son article sur le copywriting). Les meilleurs écrivains, écrivent bien plus lentement que les autres. James Joyce a écrit Ulysse, le meilleur roman du 20ème siècle à raison de 100 mots par jour. T.S Eliot un des meilleurs poètes a écrit 150 pages de poésie au cours de ses 25 ans de carrière. C’est la moitié d’une page par mois. C’est la même chose pour n’importe quelle forme de pensée. Vous réfléchissez le mieux quand vous ralentissez et vous vous concentrez.
“C’est seulement en se concentrant, en gardant en tête la question, en étant patient et en laissant mon esprit jouer que j’arrive à une idée originale. C’est en donnant à mon cerveau la chance de faire des associations, de créer des connections qu’il me prend par surprise”.
– William Deresiewicz
Et voilà. Vous avez maintenant un argument pour passer plus de temps à penser.
*Article traduit et adapté de l’article : Learning How to Think : The Skill No One Taught You
Vous avez aimé cet article ?
Accédez à tous les contenus d’Everlaab